dimanche 22 mars 2009

J'ai descendu dans mon jardin

« …Je présume qu’en général ceux qui se mêlent des affaires publiques périssent quelquefois misérablement et qu’ils le méritent ; mais je ne m’informe jamais de ce qu’on fait à Constantinople ; je me contente d’y envoyer vendre les fruits du jardin que je cultive »
Candide ou l’optimisme- ed Garnier Flammarion p.258


Le jardin public
Cet après-midi 13 mars, au jardin public de Bordeaux, c’était comme la fin de l’hiver, toutes les traces de la tempête avaient été effacées, la superbe grille XVIII°redressée, redorée...




Au bord du jardin public, 18 rue Vergniaud, une maison de pierre bordelaise, avec un grand escalier plein de cette odeur si caractéristique du calcaire bordelais (mon père disant que ce n’était pas du jurassique, sec, dense, au grain serré, mais du tertiaire qui se délite ,reste un peu humide et friable)
Jurassique ou pas, j’en aime l’odeur de cave à jamais…
Au bout de l’escalier ,un accueil chaleureux , un lieu qui s’ouvre pour nous et se referme sur notre cercle autour de la musique délicate et difficile de Ligeti et de Schubert, le dialogue plein d’exigence et d’amitié des deux musiciens…
« Bagatelles », dans ce climat de jardin printanier, de plaisir de partage, le hautbois et l’accordéon tissent des fils légers et complexes,une leçon de musique , un délice à la "Watteau"….



Le parc National de la Haute Lande
Pour rentrer,- le beau temps… l’envie de chemins buissonniers… l’exaspération de la nationale malaisée et cabossée de travaux… le besoin impérieux de conjurer le souvenir de Klaus, -nous décidons de revenir par le pays de Thérèse Desqueyroux, par Luxey, Argelouse, Sore , Mano ,la Haute Lande… Las !!!

Sous les ravages non effacés de la tempête, les herbes des marécages qui affleurent, ressurgit la misère flagrante d’un pays pauvre de métairies et de résiniers que ne masque plus la grandeur majestueuse de la forêt



Le cœur serré nous sommes heureux de retrouver notre jardin


Notre jardin

où le printemps a multiplié crocus, jonquilles, jacinthes, et les primevères qui sont les fleurs des fossés de mon pays

Jusqu’ à quand pourrons- nous cultiver notre jardin, et en fermer le portail sur le monde et les expulsés de tous ordres ?

J’ai longtemps espéré que l’école soit comme une école d’asile, un lieu protégé des tempêtes et des agressions, un lieu de paix et de partage où l’on puisse étudier, un lieu de littérature , de musique et d’art…où l’on puisse quelques heures se recréer en retrait des coups du monde .

Mais je crains parfois que désormais une petite kossovar ,qui avait si bien appris à lire dans de vrais beaux textes, reconduite manu militari dans son pays de tous les dangers, ne quitte plus les pensées de sa maîtresse en pleurs…que la tempête ne s’efface pas à Luxey aussi bien que dans le jardin public bordelais….

Le 19, je suis allée à la manif…
Il faisait très beau, et la ville était comme un vaste jardin !!!

mercredi 4 mars 2009

Bonheurs volés


A la fin des Fourberies de Scapin, Scapin par ruse, pour éviter la punition , prétend être mourant. Mais à l’annonce du festin organisé en l’honneur des retrouvailles familiales, il s’écrie :
« Qu’on me porte au bout de la table en attendant que je meure !!! »
J’aime cette réplique : elle exprime pour moi ,toujours angoissée de maladie et de mort, mais toujours prête néanmoins à se laisser embarquer vers les plaisirs de la vie, ce qu’est la quête du bonheur.
C’est une sorte de Carpe diem. Mais je la préfère au Carpe diem, dans lequel, pour moi du moins, la notion de cueillette, implique quelque chose de déjà là, que l’on peut et doit saisir.
Je préfère la filouterie de Scapin, qui me semble suggérer qu’il faut de la ruse, une stratégie, un plan ourdi, le concours des autres, pour voler du bonheur à la vie qui en regorge mais enserre ses trésors dans des barbelés de soucis et d’angoisses…

Nous avons fait une fugue « musicale» à Perpignan samedi et dimanche qui me paraît la journée des bonheurs volés.
Ca commence comme un projet il y a presque six mois, un projet « Galliano » : Love Day vient de sortir…
A mon habitude, j’épluche, je surveille l’agenda des concerts de R.Galliano.
Déjà des soucis de santé pour mon beau père, déjà une demande d’aide qui s’installe, et que rien ne réussit à combler,ou apaiser, ni l’écoute,ni les diagnostics rassurants, ni les médecines de tous ordres, ni les séjours en clinique…
Quand s’ouvrent les locations de Love Day salle Gaveau, et à Montpellier, on inaugure un séjour en clinique dont on présage qu’il est à la fois incontournable et vain, qu’il ne donnera aucun résultat et nous devons renoncer…
J’écris à JMB (Ginga), qui avec la toute la courtoisie que je porte au crédit, parce que je l’admire, de l’équipe Galliano, m’indique Clermont Ferrand -impossible !!!- ou alors l’été, en juillet !!!(Que c’est loin, et que l’hiver sera long !!!)
Je trouve alors l’annonce de deux concerts à Narbonne et à Perpignan : Opale Concerto, un ensemble à cordes, Michel me parle des solistes de Toscane, oui cela doit être bien, réservons, réservons, à l’orchestre, il y déjà plusieurs rangs de retenus, mais le premier balcon, c’est peut-être bien….
L’hiver se passe, avec son cortège de bonheurs volés,

La découverte des joyeux Pulcinella, dans la salle surdimensionnée et glacée de Bagnères puis dans l’espace exigu et surchauffé du Mandala …
Le concert de Fanfare P4 sous la halle de Portet puis avec notre Charlotte au Mandala…
Un voyage en Bordelais,


Philippe de Ezcurra et la Pavane d’une impasse défunte dans la belle petite église romane de Brouqueyran




Les accordéons Daqui à Langon,



le trio Miyazaki et Bruno Maurice dans le lieu magique de Malagar…




Dans le jardin de Pau, un jour de neige…
Michel Macias à Bordeaux un soir froid de décembre tout illuminé des guirlandes des fêtes de fin année…


Noël et Nouvel An en famille, dans la maison d’Hossegor renaissante,






A notre table, un soir, une rencontre avec un musicien plein d’intérêt G.C …
Bruno jouant Piazzola dans le grand théâtre de Bordeaux …
Dans un appartement chaleureux, un repas partagé avec Bruno et Eléonore…



ET déboulant par surprise parmi ces bonheurs, la tempête, qui massacre notre chère forêt des Landes et nous fait craindre le pire pour notre maison bâtie entre les pins…



Et on se dit, c’est bientôt Richard !!!

Et voilà que la machine aux soucis se remet en marche, puis accélère, un jour sur trois, un jour sur deux, plusieurs fois par jour, et de plus en plus tôt le matin et de plus en plus tard le soir …

La veille du jour J, c’et le paroxysme,nous n’irons pas, trop risqué, trop inconscient, et comme deux enfants nous en pleurerions,en fait moi , j’en pleure …
Et je propose à l’auxiliaire de vie d’assurer deux gardes supplémentaires.
Et voilà qu’à l’aube Michel dit, c’est trop risqué, c’est inconscient, donc on y va : nous téléphonerons toutes les heures, nous reviendrons s’il faut, mais nous partons, si l’on commence à céder aux angoisses, nous ne serons jamais plus libres, jamais plus heureux…
Et il fait assez beau, la route s’en va sous un vent violent, vers ces vallonnements de cyprès et caillasses où les amandiers fleurissent.

Aux pieds des chevaliers Cathares,la mer, au bout du chemin Perpignan,l’espagnole, son théâtre rouge et doré , des places bien meilleures que l’écran d’ordi ne le disait, au premier rang et de face …



Et …au bout des 400km de chemin….

Un bonheur de concert, un enthousiasme heureux, deux bonheurs de rappels…
De quoi faire notre retour d’enfants prodigues avec le cœur plein de chaleur, et de quoi avoir la force de réentendre la plainte de l’angoisse et de la mort…
Entre temps, on goûte à la dérobée un petit musée plein de charmes …où un tableau d’un inconnu parle de mort et de printemps.



Entre temps on s’est arrêté faire un bisou aux grandes et petites merveilles de notre vie, les enfants…

Au retour, le prunier nous attend…


Je pense alors à une petite fille courageuse, qui joue les petits soldats mais pleure le matin pour aller à l’école. Pourtant elle aime le travail qu’on y fait, elle sait se faire plein de petits copains mais les journées sont trop longues , trop fatigantes, trop loin des siens, trop lourd le souci de tout réussir…
Et voilà qu’un projet Carnaval vient rompre pour elle le Carême de l’hiver, enchante les esprits, et lui redonne au moment de partir énergie et envie d’école...

Les projets de l'école, ce sont parfois des bonheurs "donnés"...


Pour un autre récit du concert, voir ICI