samedi 24 octobre 2009

Concerts en quatre dimensions, suite

Tuur FLORIZOONE à Elne et Prades, Michel MASSOT, Marine HORBACZEWSKI :

Les lieux,
Prades, puis Elne. La mer est toute proche, sans arrêt on la longe, ou on la perd…
Un pays âpre, sauvage dès qu’on s’éloigne de la côte par les chemins sinueux, parfois escarpés et étroits. En les suivant on rencontre des cloîtres romans du bout du monde. En paix dans leur pieuse retraite et la pure harmonie de leurs arcs…


Le public,
Quand on en revient des salles assez petites, qui sonnent bien. Un public d’amateurs de jazz, et en tous cas toujours chaleureux. Des gens qui entreprennent avec vous sans façons dans les files d’attente des conversations dépourvues de banalités sur leurs goûts musicaux. Une femme de notre âge vêtue avec recherche et originalité mais sans excentricité, nous parle de son travail d’agent musical et de dans la conversation détendue, à bâtons rompus, laisse parfois entrevoir quelque chose de l’intimité de sa vie. Une vraie communication, sans lendemain…
Des musiciens
Tuur Florizonne, quand Michel l’aborde avant le concert pour lui demander de signer ses disques, très chaleureux, direct, souriant, ne laisse rien paraître d’un stress éventuel. En scène son jeu tendu, concentré, ne se départit jamais d’humour. Tuur donne à la fois l’impression d’une présence, d’une communication directes, et celle d’habiter les nuages de son rêve musical.
Michel Massot paraît concentré jusqu’à l’extrême du souffle puis brusquement bascule et virevolte dans la pantomime et la fantaisie
M.Horbaczewski sereine, rêveuse, plane au ralenti sur son archet maîtrisé, mais se révèle souriante, vive, et détendue quand on

vient échanger avec elle quelques mots.

http://autrebistrotaccordion.blogspot.com/2009/10/vendredi-9-octobre-trio-massot.html
La musique, enfin
Une musique saisissante, étrange , immatérielle, la ligne claire et mélodique et dépouillée de l’accordéon, le son d’un tuba qui va du grave chaleureux et vibrant à l’aigu d’une trompette…un violoncelle à peine effleuré et pourtant fondamentalement présent.
Pour une autre analyse de la musique :
http://autrebistrotaccordion.blogspot.com/2009/10/samedi-10-octobre.html

vendredi 23 octobre 2009

Musique en matinée, à Pau


Pour moi un concert a quatre dimensions :
La musique, bien sûr, forcément différente de celle d’un CD. D’abord parce qu’elle comporte une marge de variation, d’interprétation, sinon d’improvisation. Ensuite parce que la musique enregistrée à quelque chose d’abstrait (au sens propre), de son contexte, de son auteur, de ses musiciens. La musique du concert se réinsère dans une réalité contextuelle. Un espace, des musiciens, un public.
Dans l’espace elle est plus présente, pour ainsi dire visible. Pour une musicienne peu avertie comme moi, voir les musiciens en train de jouer me permet de suivre la ligne musicale de chaque instrument, de « voir » en somme comme la partition de leurs diverses parties, de les suivre dans leur entrecroisement, bref de mieux entendre leurs différents « sons ».
Les musiciens… leur présence, leur posture, leurs regards donnent à la musique une dimension humaine et une actualité aussi intense qu’éphémère…
Il y a enfin les lieux et leur publics, une sorte d’ancrage plus ou moins parfait,qui cristallise ce présent éphémère, et en fixera le souvenir.

« Petite musique d’après-midi… » Au théâtre Saint Louis à Pau .
F.Chopin, F.Schubert, R.Schumann, avec au piano Rémy Cardinale et à la voix, Magali Léger, donc on l’aura compris, des lieder, des mélodies, de Chopin en particulier, dont j’ignorais tout…

Une petite salle délicieuse à l’italienne, balcons dorés et haut perchés, velours bleu roi
Il faut grimper raide pour s’asseoir au balcon, quand on se penche le regard plonge de manière vertigineuse vers l’orchestre et la scène.
Aux fauteuils d’orchestre les abonnés, souvent âgés, soigneusement vêtus et coiffés avec application quoique sans ostentation.
Dans les étages le public rajeunit, quelques jeunes étudiants, et des enfants avec de jeunes parents ou des grands parents. Et toutefois quelques mamies qui grimpent allègrement d’un petit pas de chèvre alerte, les volées de marches étroites…
Au programme Schumann, Schubert et Chopin, répertoire peu connu pour ce dernier, puisqu’il comporte des mélodies, dont peu de public connaît l’existence et que la belle soprano brune va chanter…
Au piano, chaleureux, précis, léger, sans sécheresse….. Rémy Cardinale
Il explique avec talent et précision, les raisons des choix de leur programmation ainsi que quelques aspects historiques des œuvres retenues. J’aime son Schubert et encore plus son Chopin (les préludes surtout).
Je me dis que mes goûts restent terriblement classiques : de la mélodie avant toute chose : Schubert toujours, Chopin encore et encore.
Molière, Voltaire, Apollinaire et Eluard en somme…

C’est un plaisir calme et reposant, une émotion douce, rien de comparable avec l’émotion intense de certains concerts de jazz ou d’accordéon.
De la « musique de chambre » bien accordée à ce lieu intime et raffiné « à l’ancienne ».
Et ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est l’environnement : mon amie d’abord, qui a été mon guide, et puis la convivialité de tous ces gens pas très jeunes, visiblement musiciens avertis, et qui dans cette ville que je trouve plutôt froide et comme engourdie dans ses jardins et son écrin de montagnes, applaudissent très très chaleureusement, comme s'ils connaissaient "le prix des choses de la vie", rappellent les artistes à maintes reprises, manifestent un vrai bonheur d’écouter …

En sortant, il fait jour encore, plaisir d’une musique en matinée

mardi 13 octobre 2009

Galliano Paris Concert live au théâtre du Châtelet

Sacré Richard !!!
Concert solo de Richard Galliano, Paris Châtelet 9 Mars 2009

Tout a commencé par la déception,
Une fête ratée, Ste Françoise !!!
Prévenus par un ami du Web de ce concert privé de R. Galliano au théâtre du Châtelet, je sollicite et obtiens deux places…et puis l’habituel souci hôpital-pour–papy, ça va dit le médecin vous pouvez disposer, mais nous ne disposons pas …malgré le conseil d’un ami afficionado d’ R.G. nous lâchons prise : trop cher le train , trop cher l’hôtel , trop court, trop tout…
Nous restons, assommés par l’impression symbolique d’être désormais entravés, que désormais la seule annonce d’un départ déclenchera inévitablement le même drame, plus encore que par la privation du concert lui-même…. QUOIQUE… !!!!
Pour la même histoire dans une autre narration, voir
http://autrebistrotaccordion.blogspot.com/
Et puis annonce de la sortie du Cd, commande, achat tout chaud tiré du carton lundi matin !!!
Et puis pochette insolite…jolie au demeurant, « Blow Up » painting by Marion Galliano…
Et plus de textes, plus de présentation verbale du musicien ou de la production …(est-ce bien nécessaire ?) .
Rien que des photos… superbes au demeurant, et comme je les aime de RG « heureux de musique ».
Et puis l’impression que ce sont encore les mêmes morceaux …
sauf Sheng au demeurant que nous ne connaissons pas…
sauf Bagatelle que je ne connais pas…
sauf Round Midnight jamais entendu par RG, et dont j’ignorais même (Michel me le dit !!) que ce fut un standard de Thélénious Monk)…

On est tout près de ratiociner : « Il fait trop de tout » Ou sans souci de se contredire : « Il met Chat Pitre à toutes les sauces (sic) , c’est lui qui le dit d’ailleurs» !!!)
On est « chi…. » quand on aime…. D’inquiétude, on en demande encore et encore, on frôle l’insatisfaction …

Alors déception ? or not déception ?
Nous tardons à l’écouter, dubitatifs….

Et puis VOILA :
(Impressions, rien de plus que mes impressions…
pour un autre point de vue , voir, devinez qui ? devinez quoi :
http://autrebistrotaccordion.blogspot.com/

Chat Pitre sonne haut et clair , sur le thème familier et attendu, la variation est pleine de légèreté, comme un peu lointaine par instants et décalée avec soupir…
La Gnossienne 1 le souffle d’une respiration d’abord et « la gravité » ensuite , « mais pas trop ». La 2ème plus régulière et retenue…
Sertao , pulsations , folie brésiliennes ,virtuosité étourdissante.
Sheng, légereté, acidité, décalage tonal, son oriental, comme un rythme impair suspendu…
Bagatelle , résonances nostalgiques d’une valse qui se perd en route….
L’ouverture de « Caruso », délice de pureté et de délicatesse dans les aigus,
Et l’Aria, en final, car « l’accordéon « c’est d’abord un orgue »….et dans les bras de quel organiste !!!
Ne rien dire de La Javanaise ,de New York tango, de Round Midnight :
Beaux tout simplement, différents et beaux…

Finalement chaque morceau est différent de lui-même, « ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre »
Encore une fois leur succession est composée pour on ne sait quel voyage musical, en un dosage subtil de variété et de contrastes, de chemins familiers et de surprises divagatrices…
Et quel bonheur d’entendre L’ACCORDEON EN SOLO, rien que l’accordéon, avec des registres, des rythmes, des pulsations complexes, variés, et si magistralement maîtrisés…

La folie Galliano !!!

Les petits échos de l’école

Depuis que nous avons quitté le monde de l’Ecole ( qui fut ensuite « Ecole Normale », puis « Institut »),j’ai toujours évité, consciemment ou inconsciemment, les gens et les lieux qui me rappelaient le passé et une vie à laquelle nous étions devenus étrangers, interdits d’action, voués au commentaire stérile et plus souvent de l’ordre de la déploration que de la satisfaction…
Pour un temps, j’ai continué de vivre un peu sur « ses terres de borde ». Des livres entrepris sur le langage en maternelle, l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, la grammaire et la littérature, avec mon amie Régine encore en activité. Des cours à la Fac, sur la pédagogie de la lecture et de l’écriture à destination des analphabètes et des illettrés, avec des stagiaires eux-mêmes un peu en marge du monde enseignant qui projettent d’enseigner à des publics encore plus en marge… leur fréquentation pleine d’enseignements m’avait déjà conduite à un point de vue un peu décalé sur notre école…
Puis les portes se sont refermées : nos livres, qui reflétaient nos convictions et conceptions, refusés tels quels par les éditeurs ou à refondre dans des moules inacceptables ; les cours de la fac rendus impossibles par la limite d’age !!!!
Notre vie a dérivé vers d’autres intérêts , plus privés, de l’ordre de la vie quotidienne et familiale, et de l’art, de l’écriture, de la poésie, et surtout de la musique…
Alors a commencé pour moi l’expérience d’un regard autre, comme second, sur l’école. Je me suis aperçue qu’elle ne nous était pas vraiment étrangère, mais qu’on la percevait par des échos divers qui en reconstruisaient une image différente.
Il y a l’écho des toujours copains qu’on rencontre occasionnellement. Bruno, qui nous parle de la baisse de scolarisation des Manouches, laquelle nous coûta jadis tant de peines et d’amitié partagées. Régine nous raconte les petits chefs que nous avons jadis aimés mais que le pouvoir a rendus dictateurs. Une ancienne élève nous fait le récit de ses CE1. Un plus ancien élève se souvient de ma philosophie « claparédiste » de Michel et de ma conception fonctionnelle et naturelle de la lecture ou de ma vision poétique et expressive de la grammaire…
Il y a les surprises survenant au détour des rencontres de notre nouvelle vie. Il nous arrive parfois, au ressenti d’affinités ou de connivence, de deviner dans tel ou telle, un enseignant : c’est Jean marc, Anne- Marie, François, et surtout notre ami Bruno, qui toujours ,au grand étonnement de certains critiques musicaux, revendique son passé de prof de collège… La conjonction de nos goûts actuels et de notre sensibilité professionnelle commune rend ces amitiés bien agréables .
Il y a nos enfants , grands et petits, « qui vont à l’école ».
Nadja et Sébastien découvrent leur emploi du temps de l’année et nous offrent en revenant du boulot l’image rapportée de leurs élèves réels et de leurs collègues vrais.
Encore un fois on s’interroge avec Nadja sur la manière de donner l’impulsion au travail des chers élèves. Encore une fois je me dis qu’au-delà de la didactique c’est sa conviction intellectuelle, sa conception morale, sa vitalité qui emportera l’adhésion.
Au fil des conversations décousues, entre cuisine et enfants, ses vrais collègues nous deviennent familiers. Nous y reconnaissons quelques personnages récurrents ( éternels au sens propre du mot) et tels que nous les avons connus : le mal aimé, râleur, parano , qui en chie, qui écrit lettre sur lettre(non ! mail sur mail) pour exister, qui fait un peu peine mais qui est « chiant »…
Camille entre au CP et entreprend avec un surmoi trop gros L’APPRENTISSAGE DE LA LECTURE !!! Elle régresse, elle refuse de lire les mots « qui n’ont pas déjà été travaillés » et en perd son savoir « déjà là » de lettres et de mots acquis au hasard des livres familiers et des écrits de la vie…
A la réunion de rentrée la jeune maîtresse explique aux parents que si les deux premiers jours elle a fait un peu (si peu) de méthode semi globale (ouah !)elle est tout de suite entrée(pour ne pas dire rentrée) dans le sérieux , technique et rationnel : dans GAFI , quoi, ah lalala ! tralala !!!.Et les parents en chœur de se rassurer !!!
Charlotte découvre la phrase « nominale », les contes, la grammaire, mais je n’entends pas parler (et ne demande rien) des textes de littérature de jeunesse inscrits au programme, dont certains sont pourtant des merveilles de fantaisie, de poésie et de profondeur.
Devant le refus des éditeurs, nous avons fabriqué personnellement autant qu’artisanalement un page web « perso » et gratuite à tous les sens du terme, pour héberger nos fiches. Nous l’intitulons : « Fiches à partager ». Et tous les jours où presque, comme un joueur de Scrabble acharné à gagner qui note ses points, je note le nombre de visites sur notre site. Je m’imagine selon la courbe, (toujours entre 50et 190 !!!) les collègues au travail : pics du mercredi, et du week-end, affluence les jours précédant la rentrée, progression du nombre en soirée, à l’heure où sous la lampe du bureau, on prépare au calme le travail à venir.
Parfois nous nous interrogeons : qui peut travailler en août ? Ou ce jeudi ? Des groupes de travail, des débutants en quête de ressources avant départ en stage ? Nadja me dit ce sont aussi les mêmes qui reviennent, et je m’imagine être pour eux un manuel où ils viennent se balader librement….et je trouve ça délicieux…
Finalement Camille découvre avec bonheur, concentration et application les joies de l’écriture cursive , écrit des phrases quand on ne lui demandait qu’un « petit » mot, récupère son savoir lettres , je dirais bientôt son savoir de lettrée…
Charlotte produit à plaisir des titres « nominaux » pleins de fantaisie et de poésie, et des dictées impeccables ou presque... Le soir nous lisons à voix haute les aventures de Tomek à la découverte de « la rivière qui coule à l’envers » et « l’Ordinatueur »(qui justement font partie de la liste)
Elles s’habituent à la nouvelle école que leur a imposée la carte scolaire et se font peu à peu des amis. Son «Monsieur- Monsieur » enchante Charlotte et la Maîtresse du Vendredi a toutes les faveurs de Camille…

Les réflexions engendrées par ces échos varient pour nous selon la couleur du temps.
Brumes et pluie, je suis découragée que les querelles sur l’apprentissage de la lecture soient de l’ordre du rocher de Sisyphe, voire pires encore en ce temps de crise…je me révolte en voyant que les parents certes inquiets de l’avenir, mais plus encore bornés fassent peser sur les enseignants une pression injuste et insupportable, qu’ils ne fassent confiance ni aux enfants ni aux maîtres. Je m’attriste du poids qui pèse sur les enfants et m’irrite de la frilosité des collègues …
Brume et pluie, je m’agace que l’école construise surtout les savoirs techniques de la lecture et au détriment de sa dynamique de découverte, et du risque qu’ainsi les lecteurs soient immanquablement les enfants des lecteurs comme les musiciens sont les enfants des musiciens …
Couleur Soleil, je suis heureuse que nos petites contournent les obstacles, tout en espérant que d’autres enfants y parviendront de même (et par eux-mêmes !)
Côté pluie, j’enrage que les éditeurs n’aient pas donné la chance à notre travail, qui s’avère peut-être utile (pour ne pas dire génial et précurseur !!)et qui est consulté plus de 80 fois par jour en moyenne. Je regrette aussi que mes « consulteurs » ne déposent pas de temps en temps un petit commentaire.
Couleur Soleil, je me dis que cette page où les gens se baladent librement et prennent ce qui leur convient pour l’utiliser à leur guise (j’adore l’expression à sa guise) est exactement ce que je souhaitais offrir…
Côte pluie, je souffre de penser que je ne peux plus rien y faire, que je n’aurais même pas le temps de voir un vrai changement s’il se produit un jour, et je comprends mieux ce qu’éprouvent ceux qui sont à l’écart du monde du travail. Les exclus du chômage bien sûr, et aussi ces artistes qui parfois m’agacent avec leurs entreprises philanthropiques, dont je me dis qu’après tout elles sont une manière d’agir, de s’excuser de n’être que dans l’art et le divertissement…
Côté soleil, je me dis qu’après tout je suis à l’abri sur la rive à regarder se lever les tempêtes. Dans ce monde où la vie du travail ne parvient qu’en échos. Délivrée de la passion d’enseigner, libre de mon temps, libre de ma vie, de lire ce qui me plaît, d’écrire à ma guise, de grappiller mots, notes et tableaux, de devenir une dame indigne, de courir les concerts avec mon bonhomme, sur les pas du joueur de flûte (non ! d’accordéon) qui nous mène de découverte musicale en découverte musicale…
Désormais délivrée du souci des apprentissages …hormis ceux de nos enfants…
Pluie ou soleil ? Variable…