mercredi 27 janvier 2010

Getz/Gilberto

Je n’aime pas vraiment les soldes. Ce déballage de vêtements mal pliés et non triés, ces alignements de séries de pulls ou de doudounes, déclinés dans toutes les couleurs et toutes les tailles, ces rangs serrés de chaussures unijambistes, tous objets dont on en peut s’empêcher de penser qu’ils ont été produits spécialement pour être soldés, m’écoeure vaguement …
On dirait des accumulations surréalistes d’art conceptuel dont le concept nous échapperait…
L’autre soir néanmoins , en allant à la FNAC pour acheter des places de concert, nous n’ avons pu nous empêcher de jeter un coup d’œil aux bacs de CD soldés. Là encore ni tri , (un tri grossier toutefois),ni « présentation », juste une succession de tranches serrées…
Et pourtant en feuilletant au hasard, j’ai rencontré le CD de Getz/Gilberto avec Joao Gilberto et Antonio Carlos Jobim comme « featuring » dont la pochette me parut très familière
Nous l’avions acheté en 33tours jadis, et je l’avais complètement oublié…

Et le soir, enfermée dans le cercle de lumière de ma lampe, entre mes écouteurs et mon écran, je l’ai réécouté, écouté, écouté…
O Grande Amore !!!
Je ne sais ce qui m’enchante le plus, le fabuleux saxo de Stan Getz, la mélodie déchirante, ses aigus vibrants et de ses basses profondes, la voix chaude et tendre de Joao, le piano de A. Carlos Jobim, ou la belle voix d’Astrud…le rythme obsédant et régulier de la bossa nova succédant à celui de la samba qui finit par produire une sorte d’engourdissement entre douceur et déchirement…
Le lendemain Michel a retrouvé le 33T parmi nos vinyls : 1963 !!!
Et c’est tout le passé qui a ressurgi : nous n’avions pas tout à fait 20 ans , nous allions nous marier, le son dans notre appart sur le tourne disque ordinaire de la Guilde avait le moelleux du vinyl et les infimes grattements des poussières que nous enlevions avec nos chiffons spéciaux et des soins de maniaques…
Et une fois de plus je me dis que la qualité technique du son ne contient pas l’essence du plaisir musical ressenti : il me semble évident que la qualité du réglage du son en concert est parfois bien inférieure à celle des enregistrements studios que nous restituent (en partie) baffles et écouteurs.
Et pourtant le bonheur de l’écoute en direct est pour moi inégalé.
Et cela me renvoie à une discussion que nous avons souvent sur le piqué des photos. Certes on est content quand il est de grande précision, mais il n’épuise pas à lui tout seul le bonheur de la photo : l’instant cueilli, l’objet saisi, le cadrage et le point de vue choisis.
Certaines photos, même imparfaites techniquement , nous font dire : « Oui!!!! Quelle trouvaille, ou quelle surprise, quel équilibre, quelle présence dont on va se souvenir…. »












dimanche 24 janvier 2010

EL GAUCHO , des bruits et du son



Michel vient d’acheter El Gaucho de Muller et Makaroff
Cette fois encore, sans savoir exactement pourquoi, on se laisse prendre à la magie de leur musique: la scansion particulière ? certaines phrases mélodiques incomparables ? le bandonéon de Nini Flores ? la voix de Daniel Melingo ? j’aime bien le piano de G.Beytelmann aussi…
Bref un monde est créé et envoûte…
Je vous laisse lire ce qu’en dit Michel et qui me semble exprimer ce que je ressens:
http://autrebistrotaccordion.blogspot.com/2010/01/dimanche-24-janvier-el-gaucho.html
Ce disque (sans doute en raison de son origine de musique de film , mais à mon avis pas seulement pour cela) est plein de bruits qui accompagnent sa musique,tantôt en contrepoint, tantôt en arrière-plan : des cris, des sabots de chevaux, des voix qui parlent , lointaines puis proches, des chevaux qui hennissent , des portails de corrals qui s’ouvrent, des applaudissements et des bruits de foule …
Et en l’écoutant je repensais à une remarque que je faisais un jour sur les bruits et les sons : On ( le Robert par exemple) oppose souvent le bruit comme amusical et le son « Le son pur est une sorte de création. La nature n’a que des bruits » P Valéry, cité dans Le Robert.
Je me faisais alors la réflexion qu’il y des bruits que j’aime, que je trouve beaux à l’instar de sons musicaux, et je m’étais mise à en dresser liste , en voici quelques-uns :
- Le bruit d’une cour d’école , celui d’une cour de maternelle, si particulier qu’on reconnaît à distance que l’école se trouve là….celui de la cour des plus grands, plus chargé de brouhaha et de cris de jeux…
- Le bruit d’une salle de concert avant l’entrée des musiciens, bruissante, de conversations à mi-voix et d’attente…
- Sac de billes renversé, la chute en cascade des billes qui s’égrènent sur le carrelage …
- Le bruit d’une foule dans le « vomitorium » d’une arène dans la demi-heure précédant la corrida, bruissante d’impatience, avec des éclats de sonorité, de rire ou de discussions …
- Le bruit du lave vaisselle par un jour frais et gris, à l’heure où la maison est vide et les alentours silencieux
- Le bruit de la balançoire qui grince aller, retour…, et le rire de l’enfant qui s’égrène…
-Pour mémoire seulement, le bruit de la mer et le bruit de la pluie, qui ont déjà acquis droit de cité en poésie, les bruits nobles en somme …

Mais si ces bruits deviennent « musique » n’est-ce pas qu’ils évoquent par correspondance symbolique une émotion, une impression, un sentiment, un sens ? ou que l’oreille y discerne un fragment d’ harmonie qu’elle isole ?
Et si les bruits de El gaucho sont beaux c’est qu’ils sont comme insérés dans un tissu musical, comme travaillés musicalement… et je pensais alors :
- Aux rires d’enfants dans Les minots de Daniel mille (Daniel Mille, entre chien et loup, Universal Musique 2001)
-Aux aboiements de chien à la fin de Belly Button :
(Tuur Florizonone, Philippe Laloy, Vincent Noiret , Tricycle King Size-HOMERECORDS 2006)
- Et à ce disque étrange et musical que Michel me signale :Fictions
(Norbert Fignol, accordéon diatonique , accordina, objets sonores, machines- MUSTRADEM,2008)

vendredi 22 janvier 2010

J'attendrai ton RETOUR....




La morale du « retour », en pédagogie et ailleurs


Quand j’étais formateur, disons professeur de langue française ou de littérature,
Laurence Lentin, pédagogue du langage en maternelle emprunta à la théorie de la communication comme principe d’action, la notion de Feed Back…
Toujours nous essayâmes de traduire l’expression, toujours la traduction nous a paru incomplète.
Il s’agit bien sûr de la réponse donnée par le récepteur à l’émetteur, mais cette réponse peut consister simplement en un retour sur la réception du message, « Oui, j’ai entendu, tu veux dire que…»
Un avis de réception en somme, comme dit votre messagerie : « Cela ne veut pas dire que votre récepteur a compris le message »
Mais plus encore une prise en compte de ce qui est dit : « Vous voulez dire que… ?»
Et enfin une prise de position concernant le contenu, un jugement, intellectuel :« Cela me parait juste », moral : « On ne peut pas dire ça »,esthétique :« Voilà qui est bien dit »….

Ce feed back m’a toujours paru, dans sa simplicité, apporter beaucoup à la pédagogie du langage en ce sens qu’il s’interdisait d’être une correction (ni pure ni simple) de la forme, puisqu’il manifestait avant toute chose si le message passait, ou ne passait pas, ou passait mal, auquel cas on pouvait alors aider en proposant une autre forme plus compréhensible ,
-Oui le chien s’est échappé … !
-Non maîcresse ! j’a pas dit ça !!!

-Il s’est blessé, fait mal
-Oui…
Etc…
Le langage était en construction vivante dans le dialogue, non sous la forme je donne un modèle que tu empruntes, enfant, répète répète…, mais sous la forme tâtonnante qui construit de la pensée en même temps que de la langue…

J’ai souvent pensé dans mes autres expériences d’enseignement de la langue et de la littérature que ce geste d’enseignement était un des plus honnêtes, efficaces, et fondamentaux qu’on puisse pratiquer: toujours faire retour , à une remarque, à une opinion, à une interprétation, mais aussi plus scolairement ,
A une construction grammaticale…
Ou à une dissertation…ne pas « oublier de rendre les copies ,» ou les rendre avec une note ou une appréciation « sèches » qui ne constitue en aucun cas un « retour ».
Ne pas écouter les sirènes qui vous chantent que d’ailleurs les élèves s’en moquent, qu’il n’y a que la note qui les intéresse. Qui peut se laisser prendre à cette désinvolture affichée, à cette feinte indifférence des enfants ou des ados, qui ne vaut que si le retour est mécanique et sans signification.
Dans les apprentissages tout se passe entre deux personnes ou plusieurs, en allers et « retours » de l’expression de la pensée et parfois de l’émotion…Le retour est toujours nécessaire à l’apprenti, et toujours attendu…je le crois…



Et je pense aujourd’hui qu’écouter et « faire retour » de ce qu’on entend, lit, ou comprend relève de la morale essentielle de la vie avec les autres
Ce n’est pas sans fatigue ni lassitude parfois, la disponibilité est un peu fatigante, elle oblige à construire une position d’ « empathie » laquelle peut être parfois délicieuse, parfois douloureuse, en tout cas pas forcément immédiate ni spontanée. Cette attitude instaure même si on prend l’autre en compte, le doute rongeur sur notre propre position ; si l’on se décentre on y perd de ses certitudes et de son assurance, de sa « personnalité » tel que le show monde les aime parfois…

Mais nul doute qu’elle vaut la peine …pour le retour qu’elle obtient à son tour…..parfois !!!

lundi 11 janvier 2010

Agatha Christie, sous la dentelle

Agatha Christie : Sous la dentelle…


Il est vrai, son domaine de prédilection, ce sont les manoirs anglais et la gentry d’une époque qu’on ne peut plus qualifier de belle, la guerre étant passée par là…
Il est vrai la ville et la rue lui sont étrangères.
Mais si vous me le permettez, j’aimerais dire combien j’aime ,à l’instar des toiles peintes des décors d’Hitchcock, l’apparence factice du monde romanesque qu’elle a créé .
Il n’y a pas que des manoirs anglais, il y a d’étouffants petits villages dans l’immédiat après guerre, avec des pasteurs, des notaires ,des rentières ruinées, des médecins, des colporteurs, des auberges de villageoise ….…
J’aime particulièrement ses personnages de femmes pour leur ambiguïté. Leur condition sociale contribue pour moi à les « déréaliser » : aristocrates, servantes , ou jeunes femmes –riche en général- éprises d’émancipation,elles incarnent souvent à mes yeux la cruauté de l’humaine condition : sottise et vénalité , passion amoureuse bafouée, culpabilité,et névrose d’échec les entortillent dans un destin tragique et quelquefois sordide.
Comme chez Hitchcock, certaines scènes inspirent le sentiment poignant de l’irréversible ; la petite bonne un peu sotte, que son amoureux attendra en vain, le mari volage et adoré, poignardé alors qu’il s’amendait, la petite serveuse endimanchée comme une citadine, étranglée en tournant le coin de son rêve…
Les montages machiavéliques de « meurtres parfaits » offrent par leur artifice même l’image de la vanité de l’ingéniosité humaine.
Ou à l'inverse, plus angoissant, comme les dénouements de Molière, ces montages avortés ne signifient-ils pas que la conclusion serait inéluctablement tragique sans l’intervention providentielle des deux dei ex machina, à la fois invraisemblables et d’une existence romanesque évidente.
L’adorable et sagace petite vieille qu’est miss Marple, masquant sous sa fragilité et les points ajourés de son châle la toute -puissance de la Némésis. Le vaniteux Hercule Poirot à l’étroit dans ses manies et ses souliers vernis mais champion de l’intuition et amoureux innocents.
Sans eux, les héros n’échapperaient pas à l’engrenage du malheur, ourdi par la passion bafouée, la folie manichéenne, l’avidité déçue , l’amour refoulé…

Tous n’échappent que de justesse à la logique tragique du monde…

Et moi je n’échappe pas aux délices d’un monde où l’artifice permet de vivre impunément ce tragique et de l’esquiver…le temps d’un roman !

dimanche 10 janvier 2010

Le plaisir du texte

Un roman français
Frédéric Beigbeder

Je n’appréciais pas particulièrement la personnalité de Frédéric Beigbeder, que je croisais occasionnellement …sur l’écran de ma télé : trop mondain, trop parisien, trop sapé, trop friqué…
J’ai eu pourtant et sans savoir pourquoi envie de lire « Un roman français «
Je voudrais bien savoir pourquoi j’ai bien aimé le lire…
Ce qui me renvoie à une interrogation toujours récurrente en moi « Le plaisir du texte », d’où nous vient-il ?
Il ne vient pas de ce que F.B. est du pays et de la ville que j’habite…même si le situer Villa Navarre m’intéresse en fait, comme un fait divers de ma chronique locale …
Non en réalité sa ville n’est pas vraiment la mienne …

Cela ne vient pas de l’empreinte profonde sur sa vie d’une mer qui est presque la nôtre, et dont moi aussi je porte à jamais l’empreinte, dont je me dis moi aussi quand je tourne la coin de la rue de la plage : « c’est là que j’aurais dû vivre »


Non en réalité ce n’est pas la même mer : la mienne est landaise de sable et de peu de rochers, sans villas rouge et blanc, massives et cossues, la mienne, aujourd’hui embourgeoisée, fut longtemps de petites maisons « Mon rêve » et de jardins assez sauvages de pins maritimes et de peu d’hortensias.

Mon cœur bat pourtant lorsque je lis (à propos des coteaux du piémont de La Rhune) « Ce sont à ce jour les plus beaux paysages que je connaisse, et pourtant j’ai voyagé depuis.. », car moi aussi la montée vers Iraty depuis Saint Jean Pied de Port est une des plus belles choses que je connaisse…mais je n’ai pas beaucoup voyagé….

Bien sûr j’aime retrouver au fil de son récit des choses que j’ai connues et aimées, le cinéma permanent et les cassettes audio, Joe Dassin et Nino Ferrer…
Mais nous n’avons pas, loin de là !!!, le même âge et nous ne sommes pas, loin de là !!!!,de la même classe sociale…

Cela ne suffira donc pas à expliquer le plaisir du texte, difficile à analyser comme l’évidence …pas plus que la grande qualité de l’écriture précise et sobre, sans chichis…

Le pourquoi j’ai bien aimé tient un peu à tout cela et en deux citations qui résument ce que je peux partager avec son auteur :
A propos de la lecture des romans « le bonheur d’être coupé du monde, voilà ma première addiction…
Je n’ai cessé d’utiliser la lecture comme un moyen de faire disparaître le temps, et l’écriture comme un moyen de le retenir »
Quand j’étais prof à l’IUFM,il était « tendance » de prétendre que la lecture était juste l’activité inverse de l’écriture . Au point de proférer de aberrations pédagogiques du style : « On lit pour écrire, on fait lire des textes pour faire faire des productions d’écrit » .
Je n’ai pour ma part jamais pu enseigner une chose pareille, tant je m’examinais et tirais de mon introspection d’une part un penchant irrépressible à lire des histoires , sans souci d’ailleurs de leur qualité littéraire déclarée(oui mais par qui ?) et de l’autre une paresse presqu’ irrépressible à écrire, sauf les textes fonctionnels de travail qui s’écrivaient tout seuls, et en tout cas une incapacité à écrire des histoires , dont j’enviais et envie à tout jamais les auteurs…
Ce n’est que l’âge, le temps enfui, et le genre du « blog » qui m’ont ouvert les plaisirs de l’écriture narcissique, et ce que j’en lis dans ce livre me parle de moi !!!!:
« C’est pour ça que j’aime l’autobiographie : il me semble qu’il y a, enfouie en nous, une aventure qui ne demande qu’à être découverte, et que si on arrive à l’extraire de soi, c’est l’histoire la plus étonnante jamais racontée…Certes ma vie n’est pas plus intéressante que la vôtre, mais elle ne l’est pas moins. C’est juste une vie, et c’est la seule dont je dispose…. »
Et voilà, c’est peut-être de là qu’est venu le plaisir de lire ce texte, y sentir une vie , pas reconstruite ,pas vraiment racontée,mais qui s’impose par bribes comme vraie…

vendredi 1 janvier 2010

Bonne Année à tous Ceux ...

Petite variation ,
A la manière de Jacques Prévert

Bonne Année

Je le dis à tous ceux que j’aime même s’ils ne me connaissent pas
Je le dis à tous ceux qui m’aiment même si je ne les connais pas

Je le dis à tous ceux qui s’aiment ,

Et je le dis à tous ceux que j’aime et que je connais
Et je le dis à tous ceux que j’aimerai(s) connaître et aimer !!!

Bonne année et que le printemps nous revienne !