jeudi 24 juin 2010

Chaîne de moral

Mon camarade blogueur Maître Chronique Light m’ a invitée à participer à une "Chaîne de moral" en citant trois choses qui « me sapent le moral »…puis trois autres qui me le remontent..

Pour ce qui est de saper le moral, sûr qu’on a l’embarras du choix ces temps-ci ...
Quoiqu’en réfléchissant ensuite à ce qui me réconforte, j’ai constaté avec un certain étonnement,( influence d’une journée d’été ?ou inconséquence coutumière à une « optimiste désespérée » ?), que j’éprouvais le même embarras à choisir pour les deux volets !!!!

J’ai retenu trois choses ,qui m’affectent particulièrement. Elles sont peut-être dans la conjoncture actuelle, plus insignifiantes que d’autres , voire un peu anodines, mais elles me touchent particulièrement :
- La rencontre répétée de celui que Michel et moi appelons, « l’homme à l’attaché case ».Il erre dans le galeries marchandes des grandes surfaces de Pau : bien habillé de vêtements peut-être un peu élimés, mais sans plus, son attaché case à la main, il se tient bien droit, marche avec énergie, et se fondrait dans l’anonymat de la foule des acheteurs, n’étaient le très long temps qu’il passe assis sur les bancs et la tristesse absolue de son regard gris, éteint, qu’on ne peut croiser. On s’est dit alors avec un brusque creux à l’estomac :  il est peut-être « sans toit » et cette situation nous semble inenvisageable, de l’ordre de l’insupportable, de l’inacceptable.
De surcroît ce « sans toit » résonne chaque fois douloureusement en nous, nous fait immanquablement penser aux deux vieux parents de Michel, infirmes de corps et d’esprit, placés en maison de retraite, ravive le sentiment pénible que s’ils ont un toit, d’ailleurs assez confortable et soigné, ils n’ ont pour autant pas de chez eux…L’image du vieillir qu’ils nous renvoient.
-La destruction progressive et sournoise de notre Ecole. Le grignotage par bribes du temps scolaire, l’enlisement des collègues dans la fonction paperassière des bilans, évaluations, comptes rendus divers, textes officiels obsolètes sitôt publiés ; l’arrivée au pouvoir de quelques petits chefs dont je connais pour les avoir eus en formation la médiocrité et dont la qualité primordiale est de courber l’échine…
Et retraitée que je suis, de n’y pouvoir plus rien…..

-Le trop de fric allié à un conformisme moral gluant et affiché de certains groupes sociaux. Bulles dorées des politiques, des médias, du Showbiz. Prés carrés de certains métiers…La privata lex(= traduisez : privilège), dont jouissent ces groupes pour s’en être dotés grâce à leur vote.
Et, cerise sur le gâteau, parfois l’inculture alliée à un goût affiché pour tout ce qu’il y a de convenu et d’étroit (= traduisez : « à chier »)… !!!

Pour le réconfort, (outre l’été qui vient !!!) trois petits philtres:
- Charlotte qui chante si modestement et si joliment de son petit soprano clair, dans sa chorale de MJC….Camille qui raconte si bien ses récits avec les structures et les mots choisis d’un adulte et la fraîcheur et les ignorances de l’enfance, et qui affronte main dans la main (serrée très fort) entre son Papou et sa Mamou une séance éprouvante chez le dentiste à l’issue de laquelle celui-ci la félicite pour son courage…

-Hier la rencontre inattendue et ô combien émouvante d’une élève d’il y a presque quarante ans , qui tient à me manifester qu’elle se souvient avec bonheur de mon enseignement et de notre classe…Je reconnais ses beaux cheveux noirs, qu’elle repoussait derrière son oreille quand elle se penchait pour écrire…
La consultation quotidienne par de nombreux "visiteurs"de nos fiches de grammaire et de littérature que l’éditeur n’a pas voulu imprimer parce que pas assez « conformes » et que j’ai jetées sur le Net comme bouteilles à la mer…

-La beauté des choses, enfin :
La découverte quotidienne de musiques : entre autres,
Récemment, la découverte du Chamamé « sauvage » et protestataire de Chango Spasiuk,
Hier la voix de Guillaume Lopez et ses textes métissés dans son nouvel opus, « L’homme qui marche »…
La redécouverte, il y a quelques jours,des mazurkas de Chopin sous les doigts de Pascal Contet, puis  par hasard, dans un disque de 1994, que j’avais méconnu alors et laissé de côté,  par un trio polonais, piano, basse, drums…
La neige, et ses fleurs

                                                                                       



La mer, toujours
Les fleurs

Je citerais encore une 7ème chose que je n’ai pas su où placer, tristesse ou réconfort ?

-La délicieuse ironie des choses : le rapprochement insolent du grand Guignol de l’Equipe de France au Mondial de Foot et des directives ministérielles de Luc Chatel instaurant le sport à l’école comme école de la discipline , de la morale, et de la solidarité ….



Et comme on n'interrompt pas une "chaîne" je passe le relais à Michel, mon blogueur compagnon....


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mercredi 23 juin 2010

Quand Charlotte chante…


C’est un petit village, qui tente de renouer avec les fêtes locales d’antan…
C’est une jolie église Romane, nef très large, empâtée. Les murs sont peints de fresques naïves et d’un décor de pierres en trompe l’œil.
Mais il y fait très froid : quoiqu’à la veille de l’été, dans un pays relativement méridional, il fait froid, venteux, humide ; la route pour arriver serpente entre des bois très très verts et touffus…

Les choristes sont peu nombreux : le froid et la pluie ? la fête des pères ? ou le dépit de ne pas voir arriver l’été ?

Et Charlotte chante…

Quand sa voix, ténue, pure, cristalline et pourtant lisse, ronde, s’élève, grimpe dans l’aigu avec sérénité et assurance, en un solo, que ses partenaires adultes reprennent avec chaleur et sympathie…,
Je la regarde toute fine, menue, tendue, et grave…
Je l’écoute…

Je sens contre mon épaule, la chaleur de l’épaule de sa mère…



Et c’est un tel bonheur…que j’en pleurerais…











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Sagacité ministérielle

Le ministre a toujours raison...
La vie est toujours délicieusement ironique, qui nous offre des coïncidences à la Ionesco...
Ainsi il y a quelques jours, au moment où La France vivait la fièvre de l'avant Mondial, Luc Chatel "proposait"-il , que les classes de l'après midi soient remplacées par des activités sportives. Le sport étant comme chacun sait école de moralité, de solidarité , de tenacité, voire de désintéressement , où s'oublient les individualismes  au profit de la collectivité!!!
Il est bien vrai que les après-midis de l'Ecole, après avoir été consacrés jadis aux activités dites "d'Eveil"(scientifiques,historique, d'éducation civique!!!)...n'étaient plus aujourd'hui consacrés qu'à l'histoire ou la géographie, à une initiation aux sciences , voire  même à des  activités artistiques!!! toutes disciplines impropres à l'éducation de la morale politique ou à la transmission d'un patrimoine culturel!!!Certains même de nos collègues n'hésitaient pas parfois à consacrer un moment à retravailler en groupes des notions de langue française ou de mathématiques...!!!
Un peu de foot, ne peut qu'y améliorer la créativité,  l'esprit d'équipe, et le désintéressement ...


Ionesco a toujours raison!!!





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vendredi 11 juin 2010

« Une journée avec....Richard Galliano » France 3

La rude vie des fans :
Mon père pour nous attendrir racontait que quand il était petit, il n’achetait pas des gâteaux, mais pour deux sous de « miettes ». En fait des brisures je pense, et fort «goûteuses ».
Ainsi fans que nous sommes, toujours « Looking for Richard » (et quelques autres bien sûr) recueillons- nous des miettes dont nous nous délectons, de leur musique et de leur vie .
Voici les plus savoureuses à notre goût de l’émission d’ Alain Duault sur la 3, vendredi dernier (4 Juin, FR3, 00h 10)





Quelques bribes musicales, du savoir et du plaisir :
Un tout petit bout du concerto n°1 de Tchaïkovski, que j’avais cherché, bien sûr (j’aime Tchaïkowski), mais jamais trouvé.
« Un concerto très inspiré de la tradition folklorique qui convenait bien à l’accordéon »Mais il y avait un côté très virtuose : il s’agissait de prouver sa dextérité, de cultiver un certain complexe de l’accordéon »
Maintenant, R.G est libéré de ce complexe, « il joue.. la musique de Bach… »

Un extrait de Claude Nougaro, auprès de qui il a appris l’importance de la mélodie et de la poésie, un Nougaro encore bien jeune, chantant « Des voiliers » : bonheur de le revoir et de l’entendre sur cette musique que nous connaissons bien : nous avons eu souvent l’occasion d’entendre Richard Galliano la jouer, elle figure dans beaucoup de ses CD.
Belle musique, R.G y souligne l’influence de Piazzola, dont l’écoute répétée au moment de cette composition l’ a inspiré, et qui d’ailleurs va se reconnaître en l’écoutant en concert.
 Mais, je découvre ou découvre la poésie (encore une fois) d'un texte de Claude :

Oui nous voulons des voiliers
Aux ailes déployées
Allant de l’avant
Sur le flot vivant


De l’air de l’air de l’air
Tanguons comme un jeune marin
Enlaçant un dieu goémon


Une rose entre les dents…


Un peu (trop peu ) de démo à l’accordina, à l’accordéon , au bandonéon… , de courts extraits :
-De la badinerie, « écrite pour flûte », à l’accordina- « évident, un instrument à vent !!! »
-De « L’air » de la Suite Orchestrale , au bandonéon…

De l'usage de l’accordéon, considéré "simplement comme offrant au musicien deux tessitures , la flûte la main droite, et le violoncelle à la main gauche", et R.G nous offre un passage du Solo pour flûte de la partita, à la main droite, puis du Prélude pour violoncelle à la main gauche…
« Tous instruments « populaires »parce que la vibration de leurs lames touchent l’âme des gens.. »
Tous morceaux écoutés, réécoutés, aimés sur le CD : je ne les écouterai peut-être pas avec plus de plaisir, mais il me semble que je les entendrai mieux.

Le son d’un petit Höhner, que R.G vient d’acheter au marché voisin et qu’il nous fait entendre, avec « deux registres seulement, la flûte, et un son « désaccordé »…
« Entendez-vous le vibrato entre les deux lames ? »
-Je dirai, oui ! maintenant que vous me l’avez fait entendre… !
Quelques mesures de Satie, puis une mélodie : « ça rappelle les marins, Brel bien sûr »
Et pour moi une valse de marin breton, que notre ami Robert s’applique à retrouver et à jouer , parce que j’en aime la mélancolie nostalgique
« On peut aimer aussi ce son plus populaire, plus traditionnel  »…


Quelques autres miettes de vie, délicieuses parce que nous sommes fans, mais aussi parce qu’elles ont le goût de ce que nous aimons( mais oui !!!)
Nice , par la fenêtre, ses façades rococos
J’aimais Nice, enfant ; le parfum des lauriers roses restera pour moi toujours celui du jardin Albert I le soir…notre premier été à deux...
Le désir contradictoire de voyager, et de « se poser un peu » pour prendre le temps, approfondir les choses, écrire, trouver un peu de stabilité…
Et l’attente, l’inquiétude latente de l’avant concert tension douloureuse mais qu’il aime , dont il sera libéré après, comme le concert le libère aussi par « magie » de la fatigue du voyage, de tous les voyages...
Toutes choses différentes d’ailleurs, je reconnais le temps du trac, d’avant stage, le même bonheur quand ça y est, et la libération après…
Le petit trac encore de la salle, sa moquette et sa tenture, non prévues,
- Ah lala !!! Y a plus de son du tout…

Et après, aux autres avec un sourire timide un peu crispé de gamin : c’était pas mal je crois ? Et leurs rires…

Pour la fin j’ai gardé le thème qui ouvre l’émission : La mer…
La mer dont le souffle est comme un soufflet qui respire, dont il imitait enfant la « respiration » avec l’accordéon…
« Quel démon a doté la mer rauque chanteuse
Qu’accompagne l’immense orgue des vents grondeurs…. »..


Il parle de cette mer qu’il aime, mare nostrum, et s’étonne qu’il y ait aujourd’hui du vent comme en Bretagne …
On aimerait qu’il connaisse notre Océan dont les plages de sable vont à l’infini et dans lequel le soir le soleil plonge effectivement pour se coucher…






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mercredi 9 juin 2010

Le lecteur dans son bouquin....

(Traduction libre de Lector in fabula)

Il y a actuellement beaucoup de belles « lectures » de beaux textes par des lecteurs prestigieux, Jean louis Trintignant, lisant « les lettres à Lou ») en duo avec l’accordéon de Daniel Mille , Marie Christine Barrault ,tissant des textes de Proust, Chopin et George Sand avec l’accordéon de Pascal Contet, improvisations de P.C et mazurkas de F. C…ICI



J’aime bien cette valorisation des textes par la lecture à voix haute, comme jadis j’aimais les lectures de mon père, grand amateur de diction de textes, comme j’aime les lectures que nous faisons le soir aux « filles », comme j’appréciais l’éloge de la lecture d’histoires de Daniel Pennac , (Comme un roman….)

Une fois de plus, cela me ramène à mes questionnements familiers, en particulier à la manière d’être lecteur…


Et je me dis que, pour moi du moins, quelque plaisir que comporte la diction d’un texte pour en communiquer, l’essence du plaisir de lire est le rapport individuel , intime , familier et silencieux, que je noue avec mon texte. Je n’y supporte pas d’intrusion, qu’on lise par-dessus mon épaule, qu’on m’interrompe, qu’on anticipe où ralentisse mon chemin personnel dans le texte…l’espace que découpe la lumière de la lampe, la page, et mes yeux –lunettes, est comme le lieu du plaisir, le « templum 1 » où l’histoire se lit …



Je pense qu’il y une sorte de pacte entre le lecteur et le livre. C’est moins la « qualité » du texte qui est en jeu , que le parcours où l’auteur nous convie.

                                                                                                                Odilon Redon, musée des Beaux Arts, Bordeaux


Deux petits épisodes :                                                             
Ma Charlotte et Le Jobard

Il y a quelques temps Nadja m’a téléphoné, embarrassée ,pour me demander quel livre acheter, vite fait bien fait, pour Charlotte…Parcourant vite fait bien fait mon étagère de littérature de jeunesse…je tombais sur le Jobard de Michel Piquemal (Milan poche junior). Je me rappelais bien les données de l’histoire, mais surtout l’expérience que j’en avais eue, une grande réticence au départ, agacement du genre « tranche de vie», méfiance pour les « bons sentiments » …puis ensuite la lecture « embarquée », « ravie » de cette histoire, presque d’une traite, et les discussions avec des collègues et des élèves….

Le lendemain, je prends des nouvelles de ma liseuse:
-Elle a presque fini, elle dévore !!!
Puis plus tard :
-Alors, ma Charlotte, ce Jobard ?
- bof ça finit trop mal…
- vraiment ?
- ben oui ! quand même, il meurt…

J’avais oublié…

Conversation au jardin avec une amie :
-parfois, j’ai peur de m’engager dans l’histoire, de m’attacher, d’espérer… puis d’être trahie…
-moi aussi, je n’aime que les histoires qui finissent bien, ou à la rigueur au dénouement annoncé, heureux ou pas…

A mon sens , c’est l’intérêt des genres très codés, les polars « roses » ou « noirs », on sait ce qu’on doit attendre,...ou le roman rose ou noir , le feuilleton ou les séries télévisés, tellement codés, qu’il y a une certitude conventionnelle dans leur déroulement et leur issue : on est tranquille !!!

Trop peut-être ?

- le contrat est clair au moins, comme dans les films des années 70, où l’issue était toujours sinistre , si bien en accord avec le noir et blanc des images.

Il y a une sorte de contrat implicite qui se noue entre auteur et lecteur…
Lector in fabula…
J’ai toujours considéré pour ma part que le meurtre de Roger Acroyd était une trahison d’Agatha .
Même si sa vision du monde est en fait tragique… mais comme Molière, la plupart du temps, elle rompt la tragédie au dernier moment (sauf dans un certain nombre de ses histoires à vrai dire...où l’emporte le pessimisme)….
-Et la Chèvre de monsieur Seguin, donc…Quel scandale !!!! (rires)



Parfois aussi ce lien, on n’arrive pas non plus à le nouer.
Qui peut aider à le nouer ?Comment?
Ceci est une autre histoire (pédagogique peut-être!)


1: Templum : espace découpé dans le ciel par les prêtres, où se lisaient les présages…


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vendredi 4 juin 2010

Comment Wang Fô fut sauvé….

Le vieux peintre Wang Fô et son disciple Ling vagabondent dans la Royaume des Han, en quête de paysages à peindre. Peindre les paysages, c’est peu dire, car les paysages des esquisses de Wang Fô sont plus vrais que ceux du monde réel….

Ce sublime mensonge de son art, c’est la faute qui vaut à Wang Fô d’être condamné à mort par l’Empereur qui ne lui pardonne pas que le monde réel n’égale en rien celui de ses tableaux. Ce sublime mensonge, c’est aussi lui qui le sauve en lui permettant de s’enfuir sur l’Océan jailli sous son pinceau, dans le frêle canot qu’il a dessiné …

« Et le peintre Wang Fô et son disciple Ling disparurent à jamais sur cette mer de jade bleu que Wang Fô venait d’inventer. »

Cette belle histoire est une Nouvelle Orientale que Marguerite Yourcenar à écrite deux fois : pour les adultes, (L’IMAGINAIRE/ GALLIMARD) et pour les enfants, dans une très belle petite édition : ENFANTIMAGES/GALLIMARD, qui malheureusement n’existe plus aujourd’hui et donnait à collaborer dans une œuvre à un écrivain et un auteur dessinateur.

Un « album » en sorte , type d’écrit dont je raffole parce que le sens s’y construit entre texte et image, dans un format différent de la B.D. J’ai peine à lire la BD, je regrette que ce format d’ « album » soit peu présent dans la littérature adulte …car il convient à ma lecture texte-image, où le sens se construit en va et vient, mais où le texte , et l’image, gardent une surface familière, où je trouve spontanément mon chemin accoutumé de lectrice…


C’est par le texte « pour enfants » que j’ai découvert Wang Fô.


J’y ai aimé cette conception de l’art qui embellit la vie et permet de s’en évader…et les lavis de jade bleu de Georges Lemoine, sur lesquels ses esquisses délicates se défient de la perspective.

Bien sûr la question d’un élève de CM2, n’était pas sans me donner à penser sur le pouvoir de l’art :
-Mais Wang Fô, quand même, il est mort ? ou il s’est sauvé vraiment ?

Et la colère de l’Empereur , si dévitalisé lui-même, avec ses mains ridées et « vertes comme une plante sous marine », ne me paraissait pas si injuste, à l’encontre du vieux Wang Fô « dont les peintures l’ont dégoûté de ce qu’il possède, et donné envie de ce qu il ne posséderait pas, le seul empire sur lequel il vaille la peine de régner, celui où pénètre le vieux Wang par le chemin des Mille Courbes et des Mille Couleurs…. »

Mais ce beau texte ambigu avait le pouvoir d’enchanter les élèves ou de les agacer en levant l’irritation de leurs questions et engendrant des discussions passionnantes…

Par le chemin de la curiosité je suis allée lire le texte de la première « Nouvelles Orientales »

J’y découvris la figure de Ling, disciple fidèle et effacé dans la version «jeunesse ». Ce Ling , nous dit la version originale, n’a pas toujours été serviteur, mais le riche et timide héritier d’un changeur d’or et d’une fille de marchand de jade….

L’époux passionné d’une jeune épouse « frêle comme un roseau, enfantine comme le lait, douce comme la salive , salée comme les larmes… »

Wang Fô , lorsqu’il le rencontre dans une taverne, lui fait « cadeau d’une âme et d’une perception neuves»…

Le vieux peintre peint la jeune femme sous le prunier du jardin parmi les nuages du couchant…
Et Ling préfère alors à la jeune femme les portraits que Wang FÖ fait d’elle …
Elle dépérit comme la fleur au vent chaud de l’été …

Et « Un matin on la trouva pendue aux branches du prunier rose … »



Tragique et inquiétante comme le sont les contes, cette histoire nous reparle du rapport de la vie et de l’art, de l’angoisse de Chopin , de l’insupportable Rameau , d’Emma Bovary consumée du désir de la vie rêvée…et de bien d’autres …



Je préfère pour ma part continuer de penser que « Wang Fô fut sauvé » et que la musique adoucit la vie, et que la lyre d’Orphée peut ramener Eurydice à la vie….

Qu’il y a des œuvres qui donnent énergie, vitalité, et couleurs à la vie réelle….et que c’est celles là que j’élis entre toutes et que je voudrais ne pas manquer de passer à ceux que j’aime …




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