mercredi 30 mars 2011

Le Barbier de Séville au Capitole…

Une soirée avec Figaro


Pour Noël , Charlotte que j’avais il y a assez longtemps- souvenir bien lointain- emmené voir Casse Noisette, avait demandé en cadeau d’aller voir « un opéra »…

Notre choix s’est porté sur Rossini et le Barbier…

Vendredi soir, nous sommes donc grimpées, Charlotte, Nadja et moi, par l’escalier qui va s’étrécissant jusqu’à l’Amphithéâtre du Capitole pour assister à la représentation, en italien , sous titrée, des aventures du joyeux barbier, de la naïve et tendre Rosina, de son vieux barbon de tuteur, de Basile, entrepreneur en calomnies et du hautain et fougueux Comte Almaviva.

Et haut perchées, bien placées au centre sur l’étroite banquette, nous avons goûté au plaisir délicieux de revivre des soirées d’autrefois, au temps où Nadja était toute jeune étudiante, et moi une encore jeune femme, et de la revivre cette fois avec notre Charlotte.

La musique de Rossini est vraiment d’une allégresse, et d’une merveilleuse folie ! Entendre l’ouverture monter en son naturel dans les hauteurs du théâtre, peluche et dorures, puis voir s’ouvrir les lourds rideaux ,  les décors glisser sur la scène sur leurs rails, s’ouvrir, se fermer, comme dans un livre d’enfant dit « animé »,





et les petits personnages de commedia del arte (ou d’Opéra Buffo, je n’en sais pas assez pour le dire !) s’animer sur un rythme endiablé , colorés, dans leurs costumes traditionnels , quand la lumière projetée ne les transforment pas en ombres chinoises…La chaleur qui monte de plus en plus jusqu’aux plafonds à fresques…et nous « déloque » des vestes, vestons, et châles !

Quel plaisir léger et joyeux ! Pétillant, comme la coupe de champagne qu’on s’offre au foyer pendant l’entracte où l’on croise un « fan » qui nous fait partager son enthousiasme.
Jolis jeux de scène, déguisements, tromperies, ruses, précautions inutiles, ironie de la vie, un soupçon d’absurdité des choses.
Belle machinerie de décors, belle langue, belles voix, Figaro, la comtesse, Bertha, airs fameux attendus et qui de quelques jours ne nous quitteront pas, Piano pianissimo…Figaro ci Figaro là.. la belle chanson d’amour du comte, son duo avec Figaro pour ourdir la machinerie, et bien sûr la Calomnie !!!
Je ne suis pas connaisseur en voix, et je me contente d’en goûter la clarté, la vibration, l’allégresse, mais j’aime toujours à l’opéra entendre fuser les applaudissements aux morceaux de bravoure ou de virtuosité…au fond rien de plus codé que les applaudissements, finalement pas si spontanés qu’on pourrait le penser : applaudir au bon moment relève du signe d’appartenance à une « mélomanie » spécifique…

Bien sûr je ne retrouve pas comme dans la pièce de Beaumarchais, dans ce Figaro d’opéra, l’insolente dérision où la révolte à venir pointe un peu le nez, ni la fêlure sensible de l’angoisse d’aimer chez Rosine, prompte à douter et à désespérer, que le Mariage de Figaro mettra brillamment en scène, ni non plus la jalousie exacerbée de Bartolo et sa douleur d’amour…tout est emporté par l’Alegria de la musique… dans la machinerie des décors, les déplacements dansés des personnages, la fantaisie de la mise scène …

C’est bien ainsi que j’imagine la commedia del arte…la gravité ne vient qu’après, lorsqu’on sort d’en rire…



Charlotte ravie , sa mère et sa Mamou ravies aussi, et ravies qu’elle soit ravie !!!!



J’ai retrouvé un enregistrement du Barbier que Nadja, justement m’avait offert. Je ne sais pas quel est son renom au royaume des fous de Bel Canto, mais je m’en fais un petit régal d’entracte entre sessions d’accordéon….






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mardi 29 mars 2011

Vieillir…

De la Fontaine et de la forêt des Landes entre Aire et Captieux

"Un octogénaire plantait.
« Passe encore de bâtir ; mais planter à cet âge ! »
"Disaient trois jouvenceaux, enfants du voisinage ;
"Assurément il radotait.
« Car, au nom des dieux, je vous prie,
"Quel fruit de ce labeur pouvez-vous recueillir ?
"Autant qu’un patriarche il vous faudrait vieillir.
"A quoi bon charger votre vie
"Des soins d’un avenir qui n’est pas fait pour vous ?
[….]
Quittez le long espoir et les vastes pensées...

 La Fontaine , livre XI, fable 8


L’autre jour nous sommes allés à Bordeaux…
Tout joyeux d’emprunter la nouvelle autoroute A 65 !

Lors de nos dernières années de travail à l’IUFM d’Aquitaine, astreints à nous rendre fréquemment au siège de cet établissement, actif en réunions directoriales ou autres colloques hautement distingués, un tel chemin, direct, aisé, nous avait cruellement manqué…Contraints que nous étions d’emprunter la « nationale 134» Pau- Langon , étroite, tortueuse, encombrée de camions….aux petites heures du matin ou le soir après le turbin !

  
Bien sûr, en deux heures, nous étions prêts à goûter les délices de Galliano Solo, à flâner sur les quais, à explorer les musées du CAPC et des Beaux Art.

Mais l’autoroute, pour le prix modique de 23 euros, s’élance droit sur le plateau de Garlin et dans le Marsan, entre des talus encore nus où les paysagistes d’autoroute ont certes semé, voire planté un décor , qui reste pour l’instant en gestation. Puis elle traverse la forêt de nos Landes dans la plaine de Captieux puis au bord du parc National, qui certes ambitionnait de préserver la splendeur de ses pins.

Hélas, qui peut protéger de la tempête,
...qui peut protéger des insectes lovés dans les arbres abattus, dont la morsure, dénudant leur tronc, roussissant leur aiguilles, brûle aussi sûrement les arbres, que les plus terribles incendies qui les ravagèrent au temps où j’étais petite fille…

Nous ne disions rien, quasi seuls sous le beau soleil de l’autoroute neuve et déserte … Nos pensées tournaient en silence autour de l’avenir des arbres restant, maltraités, isolés dans des parcelles nettoyées ou encore en friches, de ceux encore jeunes mais souffrants. Nous nous demandions si les sylviculteurs replanteraient, ou s’ils livreraient le terrain aux assauts du maïs- roi, et nous escomptions combien de temps serait nécessaire pour refaire des arbres, quand,  tout à coup, et sans que nous nous soyons concertés, Michel prononça la phrase qui tue :
  • « En tous cas nous, jamais, jamais plus nous nous ne la verrons, la masse de la forêt, bien verte avec ses grands troncs … »

Et ce fut pour nous, en même temps que nous pensions à d’autres terres ravagées par des catastrophes ou la guerre, dont notre vie a été jusqu’alors préservée, l’expression d’un brusque sentiment de vieillissement, une prise de conscience brutale de ce qu’est vieillir….


Deux remarques pour clore mon propos :
La première :
Hep ! Hep ! Attention ! nous ne sommes pas octogénaires !!!
C’est par respect pour La Fontaine que je le cite exactement.
Je me rappelle que ma maman , qui adorait La Fontaine et nous en citait des vers de sa belle « voix d’institutrice », récitait :
« Un vieillard plantait…. »
Défaillance de mémoire ou tricherie malicieuse ? Je penche pour la deuxième hypothèse…

La deuxième :
Mon extrait du texte est tronqué de la sagesse et de l’optimisme de sa conclusion.
Rendons- lui ces quelques vers :
« Mes arrière-neveux me devront cet ombrage :
« Eh bien ! Défendez-vous au sage
« De se donner des soins pour le plaisir d’autrui ?
« Cela même est un fruit que je goûte aujourd’hui :
« J’en puis jouir demain et quelques jours encore…





…en guise de conclusion…




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jeudi 24 mars 2011

1 2 3, Richard Galliano !!!

La liberté selon Galliano

A Talence, à l’Agora du Haut Carré, à l’occasion de 123,Musique…
Salle intime quoique toute en longueur, un peu nue de sa belle pierre neuve, dépouillée, effets de lumières discrets. Public de tous âges , jeune aussi…

Richard Galliano en solo, quel bonheur !

Une sorte de rapport simple et direct avec nous le public, certes d’avance conquis… mais en-est-il moins stressé, moins concentré sur son projet, je n’en crois rien. : est-il plus facile de s’exposer à l’écoute de quelqu’un qui vous admire déjà …
Pour moi, du temps où je travaillais, révérence gardée, c’était plus difficile…
Je me rappelle d’ailleurs toujours la remarque d’une élève- stagiaire que j’allais «visiter» (=comprendre évaluer !) et qui en était anxieuse :
 Moi : « Tu sais bien que c’est moi qui viens, je te connais, je sais que tu travailles super bien !
 Elle : « Mais c’est pire, c’est pire, parce que c’est toi justement !!! »



Galliano nous annonce comme un constat simple et souriant, en réfléchissant un instant à ce qu’il va jouer, qu’il se sent libre ce soir...
Libre parce que la veille il jouait avec un orchestre et qu’avec un orchestre il faut prévoir, planifier chaque chose…Alors que là …il est seul et libre…
Et c’est un grand bonheur que de sentir et partager cette liberté
Liberté du ton, du propos qui annonce et raconte comme il le fait rarement, l’histoire de la musique qu’il va jouer.
Liberté de l’interprétation et de l’improvisation, époustouflante, qui traite chaque pièce avec splendeur : plaisir d’autant plus grand que chaque morceau, qui nous est connu dans son thème, s’en trouve être le même et pourtant différent : préludes surprenants qui ouvrent l’horizon de l’attente parce qu’on sent mais qu’on est pas sûr , entame pleine de vigueur et d’allégresse, divagations/digressions qui s’éloignent avec brio et jamais ne se perdent tout à fait, pour revenir à la ligne maîtresse du propos et le conclure (déjà hélas) mais superbement !…le son et la virtuosité, je ne veux pas les qualifier de parfaits car cela suggèrerait pour moi littéralement une sorte d’achèvement, de « fini », et ne rendrait pas compte de la vitalité/puissance à la fois entraînante, débordante et maîtrisée d’un jeu remarquable qui n’exclut même pas l’humour ou la délicatesse …

Tango pour Claude, Fou Rire et Châpitre, une variation sur Libertango .Des pièces que j’écoute un peu moins fréquemment : Bébé , Spleen . Odéon que je découvre . La Badinerie à l’accordina . Une Gnossienne de Satie avec vent de la mer, « l’accordéon qui respire »…Trois valses enchaînées, Beritwaltz, French Touch et …la Valse des Valses : Indifférence. New York Tango


Plus d’une heure et demie ( ?), on en perd la notion du temps, de musique « régalante » comme dit ma Charlotte, et encore des rappels… je ne sais plus l’ordre mais je me rappelle ,
Valse à Margaux
Une javanaise, délicieusement partagée …
L' Aria…

On aimerait que cela continue encore et encore mais le respect nous retient…d’en redemander….

A bientôt !

Une fois encore je pense que j’aimerais bien sûr, comme cela fut le cas au New Morning pour Tangaria, ou Salle Gaveau, pour Mare Nostrum …être là , à l’Olympia ou à Saint Denis, dans ces lieux prestigieux de La Musique, quand R.Galliano réussit à y imposer son extraordinaire talent et son « fisarmonica » magique …

Mais nous goûtons ce soir, comme à Saint martin du Crau en novembre, une sorte de moment intime et précieux où je pense que le talent prodigué pour nous, n’est pas moindre, ni moins généreusement dispensé que pour un public réputé plus mélomane.

Et de cela, nous vous remercions mille fois Monsieur Galliano !!!

Et je remercie aussi les organisateurs de 123 Musique de nous l’avoir offert, ce moment-là !










 

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mercredi 23 mars 2011

Contribution à l’avènement du printemps

Contribution à l’avènement du printemps, deux textes que j’aime :



Etant bien entendu que nul n’est obligé d’aimer le printemps, ni d’ailleurs les oiseaux, les enfants, et les chiens….



Printemps
Il y a sur la plage quelques flaques d’eau
Il y a dans les bois des arbres fous d’oiseaux
La neige fond dans la montagne
Les branches des pommiers brillent de tant de fleurs
Que le pâle soleil recule


C’est par un soir d’hiver dans un monde très dur
Que je vis ce printemps près de toi l’innocente
Il n’y a pas de nuit pour nous
Rien de ce qui périt n’a de prise sur toi
Et tu ne veux pas avoir froid

Notre printemps est un printemps qui a raison.
Paul Eluard  Le Phénix



Le printemps à Oran, La Peste :

« Le changement des saisons ne s’y lit que dans le ciel. Le printemps s’annonce seulement par la qualité de l’air ou par les corbeilles de fleurs que de petits vendeurs ramènent des banlieues ; c’est un printemps qu’on vend sur les marchés… »
Albert Camus



Du temps que j’habitais à Bordeaux, on remarqua un jour que, de notre fenêtre, on ne voyait jamais l’eau de la pluie tomber sur de la terre ou de l’herbe, elle tombait des tuiles du toit dans la gouttière en zinc, éclaboussant au passage la pierre des façades, puis sur le goudron du trottoir et dans le caniveau cimenté……

Heureusement les marchandes des quatre saisons étaient nombreuses alors aux coins des rues, sur les places et les placettes, et « criaient » leurs jolies vi-o-leeettes !!!



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lundi 21 mars 2011

La primevère sauvage,

Quand j’avais 10 ou 11 ans, j’aimais me balader seule « comme un chien que chasse seul » dans les forêts sans danger de mon pays. Je posais mon vélo-sans antivol !- contre un arbre et m’en allais explorer, espérant non surprendre des animaux des bois, mais l’éclosion de fleurs sauvages.
Car que les fleurs poussent sans avoir été plantées m’apparaissait comme quelque chose de merveilleux en soi, indépendamment de leur beauté. L’évocation dans les livres de sous bois de muguets, de creux de montagne où éclosent des narcisses au soleil du printemps, des violettes de l’enfance de Colette, des œillets rosissant la dune Notre Dame de Capbreton, de nappes de colchiques sur le bord humide d’un pré me fascinait.
Et c’est aujourd’hui encore la même émotion lorsque, en quelques jours, sans qu’on sache comment elles sont venues là, l’herbe de notre jardin se couvre à chaque fin d’hiver de quantité de violettes dont l’odeur est perceptible dès le portail franchi…

La famille de mon grand-père continuait d’habiter dans son pays natal une maison de coteau dominant l’Adour. On descendait à la rivière par un chemin boisé, humide, argileux, authentiquement « creux ». Entre février et mars, ses bords escarpés et glissants se couvraient littéralement de primevères. Jaunes pâles en majorité, avec des touffes plus rares déclinant la gamme du mauve, du rose bleuâtre au violet profond.
J’adorais y être à ce moment-là et y ramasser d’énormes bouquets ou de grosses corbeilles de ces humbles fleurs au parfum ténu…




Quand janvier est trop froid, quand l’hiver s’attarde de manière insupportable, je cède souvent à l’impulsion d’acheter à la jardinerie des barquettes de primevères cultivées que je plante au plus près des entrées de la maison afin de les croiser dès qu’on rentre ou sort. Et tout le long mois de janvier, dans le gris de la lumière et la nudité du jardin, leurs couleurs violentes me « requinquent » …






Une fois fanées je les plante par-ci par là selon la commodité, pour ne pas « les perdre » !
Et quand le vrai printemps se pointe, on voit surgir au fil des années de plus en plus de primevères… Des primevères encore et encore, des primevères descendantes des celles-là, ou semées par le hasard du vent…




Mais celles-là, et c’est ce que j’aime, retournent insensiblement à l’état sauvage : du jaune vif d’origine, elles passent au jaune pâle, puis au blanc pur, du rouge vif (ou du bleu ?), au mauve tendre, puis au mauve à peine rosé…les autres couleurs ont disparu : la nature a repris ses droits…









Et comme « pensées sauvages », ces primevères-là, me restituent mes primevères « premières », « primitives », mes primevères d’enfance, les primevères de mon pays…




  
Les violettes de Colette, Les Vrilles de La Vigne :

« Plus mauves... non plus bleues... Je revois des prés, des bois profonds que la première poussée des bourgeons embrume d'un vert insaisissable... Violettes à courte tige... et violettes d'un blanc bleu veiné de nacre mauve, - violettes de coucou anémiques, qui haussent sur de longues tiges leurs pâle corolles inodores... Violettes de février, fleuries sous la neige, déchiquetées, roussies de gel , laideronnes, pauvresses parfumées... O violettes de mon enfance ! »



vendredi 18 mars 2011

Polars que j’aime, le rose et le noir



J’ai horreur des conflits, peur des coups, hantise de la mort. Le sadisme m’angoisse par son existence même. Moi que les chats, les hérissons tués sur les bords de la route, «un chien perdu fait pleurer », moi qui m’inquiète des bobos scolaires des élèves que je refuserai toujours de déclarer « bêtes », qui ne tue pas les araignées , je me demande souvent pourquoi j’aime tant les romans policiers.

La réponse pourrait être que je choisis souvent des policiers « édulcorés », une sorte de série rose des polars.
Des romans souvent d’ailleurs écrits par des femmes, Agatha Christie, A .Perry, Laetitia Bourgeois, Fred Vargas, Dominique Sylvain, Ellis Peter, Patricia Wentworth…etc…. Ecriture féminine ? Où la vision du monde, le regard sur les paysages, les choses de la vie, le quotidien, et le dédale des sentiments, me conviennent, par l’approche des problèmes de la vie et une sorte d’optimisme désespéré, comme le mien…

Mais ce n’est que partiellement vrai.
D’abord parce que même Agatha Christie n’est que faussement « rose », que sous sa vison colorée du monde affleure souvent le tragique , que ses dénouements heureux sont de belles machines à illusions dont on goûte la douceur sans en être dupe.
Il en est de même pour Ellis Peter, l’inventrice de Cadfaël, ou pour Ann Perry dont les héroïnes à la Jane Austen, au féminisme militant, se débattent dans l’Angleterre victorienne , puis la Grande Guerre, avec les difficultés humaines et sociales d’une vraie lutte de classe.

Une version technicolor de ...

 Il y avait de même une « petite » romancière suédoise publiée par la collection du Masque , Maria Lang, que j’ai fort fréquentée quand j’étais jeune , et qui a disparu depuis des rayons des libraires . A l’instar de sa grande aînée, mais dans la Suède des années 60, elle avait créé un monde tout aussi romanesque, que j’aimais je dois l’avouer en tant que tel, mais qui m’a souvent frappée par sa cruauté. Plus encore que chez Agatha, la mort y frappait des personnages auxquels le lecteur s’était immanquablement attaché .Elle nous faisait goûter sous la brutalité du meurtre, à toute l’absurdité aveugle de la mort et du destin, et au regret déchirant de l’irréductible …en somme une version technicolor de Henning Mankell, au fond presqu’ aussi noire, nonobstant la beauté des paysages suédois qu’on croyait y entrevoir, des sous bois de muguet, des forêts obscures, des prairies sauvages , d’un petit port, du grand opéra de Stockholm , des jolies filles vêtues de blanc et couronnées de bougies s’égaillant par les rues la nuit de la Sainte Lucie …

Certes ce ne sont pas là des séries noires et la mort, si elle est tragique n’est guère sadique ou sanglante …
Mais je ne donne pas non plus exclusivement dans le polar-rose…

Si j’évite, pour m’y être parfois aventurée, Dexter ou Millenium, j’aime l’univers de Wallander sa Suède d’horizons plats , de clair obscur, de meurtres sauvages …La jungle urbaine de Michael Connelly. La fascinante Venise de Donna Leone, où le soleil se lève sur de somptueux bâtiments , joue avec l’eau des canaux et de la lagune, mais où par temps chaud s’exalte l’odeur de la vase, et par tous temps les effluves douceâtres de la corruption.Le quartier des Halles et sa faune de Fred Vargas, ses lieux incertains glacials et périlleux , ses échappées de hauts plateaux et d’Océan, (le mien !!!!). tous ces univers ne sont pas exempts de morts saignantes …alors ?

Alors c’est peut-être là ce qui nous attire : les univers qui de tome en tome se construisent: une fois entré, et si l’on y entre, on désire à nouveau en retrouver la saveur comme les lecteurs d’Eugène Sue attendaient chaque semaine, la diligence apportant le feuillet des Mystères de Paris, comme les Maigret , ou la série de «Boulevard du palais » .
Ce sont des univers « codés » et cela nous procure l’intérêt de l’attente, et un certain confort de lecture. On reconnaît, tout en découvrant du nouveau. La structure est claire autant qu’attendue, centrée sur l’énigme à résoudre. Sa tension dramatique est forte et soutient la lecture, en constitue le fil d’Ariane. Tout le plaisir comme dans les standards de jazz, sera dans la variation.
La mort elle-même est aussi en quelque sorte codée, comme circonscrite dans la scène de crime, elle demeure abstraite, comme déréalisée par l’écriture en mots bien plus irréalistes(du moins dans ces romans-là) que la mise en images . Nous ne sommes que spectateur, extérieur, car si elle frappe des personnages parfois attachants ou touchants, elle ne frappe pas ceux sur lesquels se focalise notre identification, dont le
destin est notre principal souci. Elle peut les menacer, suspicion policière, ou exécution de témoins, mais un pacte tacite noué avec l’auteur, que nous connaissons, nous assure de leur immunité….
Sauf mauvaise surprise et trahison du pacte ! ah !! le Meurtre de Roger Acroyd, Oh !!! Les dix petits nègres !!!!

Et puis il y a la ligne claire des héros, détectives et policiers, flics et privés. Dans les romans que j’aime, ils sont là pour conjurer l’horreur de la mort et l’injustice policière et judiciaire des hommes.
Certains sont des déités artificielles et bienveillantes, Hercule Poirot et Miss Marple, Cadfaël,… providences salvatrices qui nous en protègent.
D’autres, les Maigret, les Adamsberg, les Sherlock, les Nicolas Le Floch, ont cette intuition prodigieuse qui déjoue la malignité des esprits criminels et, conjure, y compris à leur propre péril, l’erreur judiciaire…
Parfois ils incarnent simplement l’humain face à l‘injustice et à la violence. C’est le cas de Célestin Louise, de Wallander, du commissaire Brunetti, de Harry Bosch…
Comme Wallander, quelquefois, loin d’être des surhommes , ce sont des hommes et femmes souffrants, dépressifs, angoissés, en quête d’amour ou de bonheur…
C’est en eux que l’on se ressource par empathie contre les horreurs de la condition humaine.
D’ailleurs très souvent, ils se trouvent à leur tour menacés par la violence, l’injustice, le deuil, et s’en tirent plus ou moins heureusement …
Presque toujours dans les romans que je choisis, je les aime… ni mauvais, ni ripoux, ni violents, ni forcément démiurges,... mais surtout capables de réussir à dénouer le roman… !



Finalement à ce point de ma laborieuse réflexion, je me dis que si je sais bien les romans que j’aime, je ne sais toujours pas vraiment pourquoi je les aime… !!!!

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Renaud Garcia Fons, la linea del Sur à Orthez


Pluie serrée à Pau, pluie serrée sur l’autoroute, pas de montagnes pour éclairer l’horizon bouché par le rideau pluvieux, pluie encore pluie à Orthez. Pluie, pluie, pluie. La tristesse d’un de ces jours gris en Béarn, toits d’ardoise gris, grise la belle pierre de la cathédrale, grises les rues sous la pluie fine comme une brume froide…
L’église est belle.
La place est déserte quand nous arrivons.
La salle, accès béton et rambarde de fer, n’est guère accueillante.

Seul un bistrot sympa rayonne sa chaleur et donne envie de descendre de voiture.
D’ailleurs vers 7heures, des gens arrivent sous la pluie et s’y engouffrent joyeusement, ils se connaissent , ça sent la convivialité . Nous hésitons mais finalement nous grignotons notre petit "picachou" dans l’ auto en écoutant Méditerranée, histoire de se mettre en bouche …
Finalement, billets pris, on cherche lumière et chaleur humaine au bistrot, on va se boire un petit porto , non, muscat pour lui, martini pour madame (y a plus de porto !).

On se demande si l’on atteindra ce soir, la linea del sur, si l’on réussira à passer la linea de la lumière…

Finalement, l’escalier grimpé , après l’ accueil chaleureux de la « billetière », la salle est rouge et jolie, les fauteuils sympas . LLeno !
Le son un peu agressif peut-être … ?
Et on se sent prêt à glisser un fois encore dans la douceur un peu déchirante des mélodies et des instruments remarquables du quartet de la linea del sur

Et foin de la grisaille…Veré, Silhouette, Valseria… Et par bonheur, en rappel, la Gare Saint Charles que j’adore, et qui pour moi évoque davantage « le long orphelinat des gares » et le déchirement des départs qu’une agréable diversion en attendant le départ……Et le charme transforme la flotte grise en Agua de la Vida !!!

J’ai un jour, faute de compétence musicale à l’analyser, essayé d’exprimer les connotations que la musique de Renaud García Fons éveillent en moi…
Aujourd’hui laissant à Michel le soin de parler particulièrement de David Venitucci, dont l’accordéon apporte à ses compositions une sorte de continuité dans la ligne mélodique , je redirai combien j’admire Renaud Garcia Fons.

Avec mes mots de tous les jours, n’ayant guère de culture musicale.

J’admire la beauté des ses mélodies, la manière dont elles passent d’un instrument à l’autre par de subtils méandres entre reprises à deux ou à quatre instruments …
La manière dont il conduit, avec une autorité et une maîtrise évidentes autant que discrètes la composition des différentes voix du quartet.
Son jeu enfin, la sonorité absolument remarquable et unique qu’il donne à sa contrebasse, sonore, mais maîtrisée, comme légère , l’extraordinaire aisance à jouer sur ses cordes, pincées, frottées, frappées tour à tour .

Pour moi c’est une vraie merveille et qui évoque la clarté méditerranéenne, netteté extrême de la lumière sur les contours, la chaleur et l’allégresse de la « bouleria »qui se mêle à l’ élan entraînant de la valse, avec, toujours proche, comme l'ombre l’est du soleil, un je ne sais quoi de nostalgique en mineur.



lundi 14 mars 2011

Il faut cultiver notre retraite

Alors que l’angoisse monte sur le sort du Japon, que le despotisme triomphe en Lybie, et le cynisme en Côte d’Ivoire, s’affiche sur la page web orange un couple de retraités façon Dallas, bien bronzés, coiffés Reagan pour lui, Hilary Clinton pour elle. A l’arrière plan, parasols et transats et sans doute piscine, dune de sable ensoleillée, immeubles modernes à l’horizon…
Au premier plan de la pub et dans doute de leur vie : l’offre d’achat d’actions pour fond de pension : « conseils pour se constituer un capital et préserver son pouvoir d’achat »..

Je ne suis pas sans souci de notre pouvoir d’achat, ni tout à fait exempte de pulsion égoïste pour des vacances au soleil à deux…mais je suis vaguement choquée par cette image de la retraite « qui profite » comme on dit, et je me demande jusqu’à quand nous sera épargnée la promo des cités résidentielles pour seniors, oasis luxueuses qu’abritent de hauts murs et où ne sont admis ni les enfants ni les animaux …



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dimanche 13 mars 2011

Titouan Lamazou, Femmes du monde

J’ai déjà parlé un jour, à propos de carnets de voyage, un genre de texte qui m’intéresse toujours, du Carnet de voyages de Titouan Lamazou , que j’aime particulièrement.

Une exposition à Pau (Musée des Beaux Arts du 5 mars au 16 mai ) présente actuellement certains de ses portraits et photographies de Femmes du Monde.

Voici ce qu’en dit Michel (l'autre bistrot des accordéons):
Beaucoup de monde. On connaissait ses croquis de femmes du monde, on connaissait son engagement pour celles-ci et, si j'ose dire, l'amour qu'il leur porte ; on a découvert ses photographies monumentales, qui relèvent de ce que j'appellerais volontiers un réalisme symbolique ou un symbolisme réaliste, jusqu'à l'hyper-réalisme.


Déception et contextes:

Si belles soient les figures féminines qu’il offre à nos regards, si riches et nuancées que soient ses techniques de croquis et d’aquarelle, je n’échappe pas à l’impression répétitive que me donne l’exposition…

Devant tous ces beaux portraits alignés, je manque cruellement d’un contexte pictural ; alors qu’il s’agit d’un engagement militant, je ne le perçois que par des apports complémentaires extérieurs à l’image, des textes, des interviews vidéo…Bref sa peinture ne me le dit pas…
Je me rends compte combien je préférais les Carnets de voyage où, page après page, le récit de Titouan , et l’esquisse d’un paysage caractéristique, contextualisaient les personnages, les ancraient dans leur réalité géographique et sociale, leur conférant une sorte d’humanité et comme un destin individuel …

De surcroît, la proximité dans la galerie d’exposition même d’une boutique de reproductions très richement fournie, qui présente abondance des mêmes visages de tous formats et de tous prix, accentue pour nous l’impression d’une banalisation répétitive de ces visages…

Photographies :

En revanche,deux grandes salles nous offrent ensuite d’extraordinaires photos, et quel plaisir ce fut pour nous de les découvrir!!!:
Dimensions énormes, et de formats différents, justement adaptés à un effet de regard différent aussi. Construction remarquable de l’espace de la photo, atmosphère vivement colorée, spécifique à chaque photo, chargé de signification…La technique remarquable saisit avec une hyperprécision la réalité des objets et des personnes.
Mais rien d’instantané, en un sens rien de réaliste, tout est remarquablement "posé", mis en scène, construit pour l’expression d’un sens, pour imposer au regard une vérité plus saisissante que la réalité même…

Ou mieux, ALLEZ LES VOIR !!! Saisissant !!!!

Un autre lien , pour comprendre et voir le projet de Titouan Lamazou:
http://www.titouanlamazou.com/




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dimanche 6 mars 2011

Au temps des donjons. Robert Desnos

A propos d’ « Impasses » et de  l’état d’âme que je voulais exprimer, je retrouve dans mes souvenirs ce beau poème de Robert Desnos, qui l’exprime remarquablement …En des circonstances tragiques dont la seule mention suffit à nous sentir enserrés dans l'enfermement...


As-tu déjà perdu le mot de passe ?
Le château se ferme et devient prison,
La belle aux créneaux chante sa chanson
Et le prisonnier gémit dans l’in pace.
Retrouveras-tu le chemin, la plaine,
La source et l’asile au cœur des forêts,
Le détour du fleuve où l’aube apparaît,
L’étoile du soir et la lune pleine ?

Un serpent dardé vers l’homme s’élance,
L’enlace, l’étreint entre ses anneaux,
La belle soupire au bord des créneaux,
Le soleil couchant brille sur les lances,
L’âge sans retour vers l’homme jaillit,
L’enlace, l’étreint entre ses années.
Amours ! Ô saisons! Ô belles fanées !
Serpents lovés à l’ombre des taillis.


1942

Pour « l’impasse »se le dire à voix haute et en français !!!!



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vendredi 4 mars 2011

Impasses


Un jour plus ensoleillé qu’aujourd’hui, j’ai comparé mes chemins de culture aux « holzweg » , « ces chemins de forêts qui (prétendument)  ne mènent nulle part », et affirmé que, s’il ne menaient pas à Rome, ces chemins sablonneux délicieux qui divaguaient entre pins, bruyères et genêts,  dérivaient souvent vers d’autres chemins, et cheminaient vers d’autres découvertes…

Mais ce soir je pense aussi que parfois il y a dans notre vie des chemins sans issue, qui s’embroussaillent dans l’enchevêtrement du bois tombé et des fougères froissées .
Des apories, des impasses, des culs de sac…des chemins de Petit Poucet… !






Faut retrouver nos cailloux blancs !!!!




Ou un petit joueur d’harmonica, non , de fisarmonica !!! qui nous chantera le chemin…




















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Orthographe: des raisons ou des délires...