vendredi 27 septembre 2013

Rencontres à Tulle, HIROKO ITO

Hiroko Ito était le fil rouge choisi pour le festival des Nuits de Nacre.

Un bien séduisant fil rouge, et nous ne l’avions jamais entendue en live, même si Michel avait déjà ,  grâce à Françoise Jallot  découvert et acheté deux CD …
En fait, je suis parfois dépassée par le foisonnement de ses découvertes et je n’avais que peu écouté ces CD avec lui, pour avoir une idée de cette musique et la partager, mais jamais comme j’aime à le faire, encore et encore,  avec un ressassement obstiné… !

Ma première rencontre avec Hiroko ce fut donc à Tulle, au théâtre des sept collines le 12 septembre…
Dans la belle orchestration de Peyrièras, et remarquablement entourée par le piano de celui-ci, la contrebasse de Marc Michel Le Bévillon, Christian Lété à la batterie, et trois accordéonistes talentueux, Thierry Roques, Sébastien Debard, Aurélien Noël , un rien raidie et solennelle, elle a joué une magique musique , un peu étrange pour moi, dont je perçois sans savoir l’analyser, que « les modes et les intervalles » sont de couleur japonaise.


« Rendez-vous sous les cerisiers », comme son titre le veut, nous embarque vers un autre soleil,comme son titre le veut, nous embarque vers un autre soleil, mais je suis aussi fascinée par  "Place de la Boca », « Le retour du chat », « Histoire nostalgique », « Okuribi »…, quelque chose de délicieusement ralenti, d’un peu nostalgiquement mineur, de notes égrenées parfois à la limite de l’acidité, …





Et puis, un autre volet du programme, un hommage à l’accordéon français et à sa capitale, l’air de Paris,...
... et je n’ajouterai rien à ce qu’en dit Michel  tant la pertinence de son texte que je trouve piquant, me convient..

« Le style d'Hiroko Ito en effet s'apparente à une relecture des romances et des airs d'un Paris  plein de tendresse et de nostalgie. Relecture qui donne une saveur mi-sucre mi-citron à ces romances.
Autre particularité de l'album : sa lenteur. On est dans un monde où le temps dure, dure, dure et cette durée est pour moi source d'étonnement. Au bout du compte, cette particularité fait style. Au fur et à mesure que les morceaux se suivent, on se sent de plus en plus en apesanteur et c'est agréable. Entre vigilance et rêve, un état de rêverie s'installe.  »
Michel Rebinguet

Mais la vraie rencontre, fascinante, celle d’une femme étonnante, ce fut le lendemain à l’espace Galliano, où toujours accompagnée de son mentor Patrice Peyrièras, elle nous raconta , dans un français délicieux, à la fois précis, complexe, et savoureux de variations de  registres de langue, elle nous raconta ce que j’appellerai son PROJET de vie : jouer de l’accordéon !


Et je l’ai trouvée passionnante et superbe…
Son point de départ, l’affirmation philosophique de sa foi dans l’existence d’un destin. On aurait pu en attendre fatalisme et résignation. Or en même temps, à première vue contradictoire, s’affirmait avec force et tranquillité une détermination obstinée à construire sa vie , à tracer sa route vers un projet choisi … l’accordéon !
Je ne sais d’où lui vient ce positif mélange…
De ses parents issus de la guerre (et quelle guerre !!!) et donc désireux  que leurs enfants profitent de toutes choses, la culture en particulier ?
De rencontres , que j’ai l’habitude d’appeler  de  « hasard objectif » d’après Breton, des rencontres qui résultent de la coïncidence entre le désir humain et les forces mystérieuses qui agissent en vue de sa réalisation …?
Il y eut Azzola puis par lui  Joe Rossi, et par lui de Barbara, Gréco, Moustaki ou Montand, notre ami J. Pellarin et Baïkal duo , aujourd’hui Fabrice Peyrièras… 

D’un volontarisme absolu qui la pousse à aller à Paris et à s’installer à quelque pas de Joe Rossi pour obtenir de lui des cours d’accordéon ?

D’une sorte de perfectionnisme exigeant qui force le respect et amène les profs de musique à l’accepter dans les cours contre toutes limites d’âge, et malgré des échecs…?

Il y a en Hiroko Ito une surprenante énergie qui convertit le destin en force positive.
C’est ainsi,- aveu aussi saisissant que bouleversant-, qu’elle interprète le cataclysme de Fukushima , comme une chance pour elle, alors que, vaincue par la difficulté à arriver, elle était décidée à renoncer, à quitter Paris, et à rentrer définitivement dans son pays !
La peur oriente positivement son destin …
Les morceaux Délivrance, impressionnant,  et L’espoir –Inori, encadrent Accordéon 33 !!! pour moi l’un des plus remarquables morceaux…
…Et éclairent un peu à mes yeux le trajet de vie de cette femme attachante dont le moindre charme n’est pas sa capacité à s’exprimer dans des visages divers, sourire et accueil chaleureux et spontané, tristesse profonde et solennelle , gaieté parisienne et musette, chansons sous les cerisiers…

Et toujours l’accordéon comme fil d’Ariane obstiné et multiple qui la relie au pays des cerisiers en fleurs, son pays,  à l’air de Paris, le pays du musette,  mais encore  au tango et au jazz, qui en jouent …pour un style bien à elle, tissé de tous ces mélanges…



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