samedi 26 avril 2014

Le sentiment de l’existence ou la joie d’exister


Convergences
Pierre Rabhi :
L’autre jour, j’ai écouté une interview de Pierre Rabhi qui présentait son nouveau livre, et qui m’a fort intéressée.
 Mais ce qui a finalement le plus accroché mon attention, ce ne sont pas ses vues remarquables sur la manière de reconsidérer la manière de vivre sur notre planète, l’expression modeste d’un idéal de vie merveilleusement ambitieux vers la sobriété heureuse…
C’est une expression belle et énigmatique pour dire la finalité de la vie la joie d’exister…
-Vous voulez dire « Bonheur » d’exister ?
- Non !,  Pierre Rabhi  insiste : « la joie.. » ! Plus juste expression sans doute d’une sorte de plénitude ressentie à exister dans le monde…

Un après midi au jardin :
Dans le temps incertain, irrégulier, si obstinément pluvieux de cette année, où alternent de rares mais superbes périodes de beau avec des tunnels de pluies diluviennes , un hiver  pas forcément mauvais pas vraiment beau, le sentiment l’autre jour, de vivre  une après midi à part , un moment « rare », dans le jardin clos de verdure , température douce,  ciel clair et lumineux , il y  a des fleurs justes épanouies, pas de bruit dans le jardin clos ,mais des oiseaux qui sifflent et se répondent à intervalles réguliers, une odeur d’herbe encore humide et qui chauffe au soleil, de fleurs de glycines encore en fleurs
et de lilas qui s’ouvre ,il y a des chats promeneurs qui traversent la pelouse le blanc aux yeux bleus,  le  tout noir aux yeux verts,  juste pour occuper la pensée un instant et la divertir de soucis immanents et tenaces…

Rousseau et le "sentiment de l’existence" :
Vous allez dire que je me retourne ces jours-ci  un peu beaucoup vers le 18ème siècle, un siècle agité d’angoisses autant que d’idées de Bonheur et de Lumières…
Rousseau , je respecte le contrat Social , je comprends en contexte de l’esthétique de son temps, et de ses mirages personnels de bonheur,( !!!! )La nouvelle Héloïse , j’admire la réflexion pédagogique  audacieuse et moderne d’Emile, mais mon plaisir de lecture de Jean Jacques, ce sont  exclusivement Les Rêveries ..
Et ce texte énigmatique écrit par un homme  pour qui sa Société, son angoisse personnelle récurrente, un âge déjà avancé, composent  un mal être dans le monde complexe et douloureux, dont l’écriture des   Rêveries sont le plus beau  remède à mes yeux, m’a toujours fascinée.
J’y aime particulièrement dans  la Cinquième Promenade la description et l’analyse de la forme de bonheur, pourrai-je dire de joie , qu’il lui est possible d’atteindre en dépit de tout :
« Quand le soir approchait, je descendais des cimes de l’île, et j’allais volontiers  m’asseoir au bord du lac, sur la grève […]là , le bruit des vagues et l’agitation de l’eau, fixant mes sens et chassant de mon âme toute autre agitation, la plongeait dans une rêverie délicieuse[…]Le flux et reflux de cette eau , son bruit continu , mais renflé par intervalles, frappant sans relâche mon oreille et mes yeux , suppléaient  aux mouvements internes que la rêverie éteignait en moi, et suffisaient pour me faire sentir avec plaisir mon existence , sans prendre a peine de penser…
De quoi jouit-on dans une pareille situation ? De rien d’extèrieur à soi, de rien sinon de soi-même et de sa propres existence ; tant que cet état dure, ou se suffit à soi-même, comme Dieu. ( !!!!) »

La remarque finale est qualifiée « d’orgueilleuse et ingénue » par un  manuel , mais j’y trouve l’expression naïve du sentiment de plénitude que parfois peut procurer la joie d’exister , indépendamment des biens matériels …






 Mais bien sûr « tant que cet état dure… »

Transitoire, résultant de la conjonction magique d’éléments favorables, la qualité de l’air, un certain degré de luminosité,  le parfum des fleurs, la subtilité de bruits musicaux, sans doute même la conscience de sa précarité …
 Comme un moment au jardin, un bain de sable sur la plage déserte au bord de l’Océan…

Comme le temps fragile d’un de ces concerts où tout semble réuni pour ressentir  la beauté, un de ces concerts dont on souhaite qu’il ne finisse pas, en sachant qu’il va s’achever…

Comme des moments de communication intenses, délicieux et éphémères, avec ceux que l’on aime…


mardi 22 avril 2014

Le hideux sourire de Voltaire

Dans la série: Hexagonale

Voltaire , est un de mes auteurs à penser. Il me convient bien, un peu marginal, bon vivant, rieur, courageux, quoique soumis aux peurs existentielles fondamentales, et rusé à la fois …
J’aime son écriture, le rythme de ses phrases,  j’aime sa pensée, son optimisme désespéré …
J’aime qu’il ait su intéresser, et parfois réellement marquer, mes élèves…
Bref je n’ai jamais réellement adhéré au reproche de Musset, « le hideux sourire de Voltaire », au soupçon que ce sourire décharné incarnait  une certaine et déplorable  mentalité française, qui se rit de tout, ne se passionne pour aucune cause, ni ne s’engage dans aucune passion vraie…
Reproche romantique pensai-je…
Oui ! oui !  « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux… » !!!

Et voilà que, parfois, par les temps qui courent, je me prends à haïr l’esprit de dérision permanent  qui constitue le fond de commerce de multiples émissions télévisées.
Par exemple, pour ne pas les nommer, C à vous,  ou le Grand Journal…et ses Guignols.
Cet esprit me semble quand je suis d’humeur légère, relever des dîners en ville parisiens , esprit caustique et copain- copain, car d’ailleurs les invités sont tous du microcosme du showbiz  ou de la politique, de l’analyse éditoriale, de la critique culturelle, d’un petit monde intramuros, ou, comme disaient les Précieuses de Molière,  « le  centre du bon goût, le grand bureau des merveilles ».
Je m’en sens exclue et étrangère, agacée de l’être, mais sans plus…

Mais parfois quand je suis d’humeur chagrine, préoccupée par l’état social du monde et de mon pays, cet esprit me paraît un avatar pénible de l’Esprit Critique auquel je suis évidemment attachée , une forme dérisoire d’un « on ne me la fait pas à moi », une manière de toujours rire ou douter des décisions, de tourner en négatif les prises de position ou les directions d’action qu’essaient cahin-­­caha de mettre en œuvre les acteurs de la politique , de l’économie, voire de l’éducation, …

Et naïvement je me dis, pour Voltaire (comme pour Molière d’ailleurs, ou pour Beaumarchais) ce rire relevait du désespoir, il était une manière d’engagement, parfois la seule possible ,  un moyen d’agir, qu’ ils payèrent souvent de désagréments, de disgrâces, voire de condamnations…
Tandis que pour nos amuseurs , c’est parfaitement gratuit, puisqu’ils ne semblent guère engagés dans l’action, en général spectateurs du monde, au mieux observateurs, mièvres redresseurs de tort, leveurs de lièvres, pourvoyeurs en ragots, à qui souvent rien n’en coûte…

Alors, effet du Temps de l’histoire ou du Temps personnel (que je ne veux pas traduire par « coup de vieux » !) je suis en passe de me prendre un sérieux Esprit de …Sérieux.
Je zappe les émissions qui ont pour visée  « de tenir au courant de l’état du monde » ou pire « de décrypter la réalité actuelle , de l’analyser ou l’interpréter », je me réfugie dans la Fiction , romans , films, et même séries, où ne manquent ni les principes , ni les idéaux, les passions ou les grands sentiments !
Je me replie dans mes amours et amitiés privées…

Et je me nourris de musique, de musique…

De photos,
Et de façon plus futile, de fleurs
De paysages… et d’air du temps !!!

« Mais voilà qu’il flotte
La lune se trotte
La princesse aussi…
Sous le ciel sans lune
Je pleure à la brune
Mon rêve évanoui… »

J Renoir, La complainte de la Butte

dimanche 13 avril 2014

Jean-Louis Matinier à Bourg Saint Andéol, quelle rencontre !!!!



Nous désirions depuis longtemps écouter Jean -Louis Matinier en live.

La découverte de Fuera fut pour moi, à l’époque où Michel,s’était lancé dans la découverte de l’accordéon et l’exploration de ses interprètes « à aimer », une superbe rencontre : la beauté et la puissance émotionnelle des thèmes,  le son aérien , agile, pur et sans stridences dans la virtuosité des aigus, de Jean-Marie Matinier, allié aux cordes magiques de Renaud Garcia-Fons , inconnu de moi lui aussi, contribuèrent décidèrent de ma conversion à ces musiques pas classiques et néanmoins riches d’élaboration…
Suivit Alboréa, puis Confluences


Toujours ce voyage aérien dans des sonorités qui connotent un Sud abstrait, mythique , à la fois évocateur, et plus poétique que réel .
Puis l’alliance de Matinier avec l’oud de  Anouar Brahem ,Sur les pas du chat noir, titre poétique, photo d’hiver dépouillé et de noir et blanc d’ André Kertész ..




Nous avons pensé :  «  Que merveille ! et…Que  décidément le dialogue avec les cordes inspire Jean-Louis Matinier ! »
Alors quand dans le cadre de « Jazz sur son 31 », Jean-Louis Matinier avec François Couturier rencontraient le violoncelle d’Anja Lechner, bien sûr nous nous y sommes précipités !
Mais en écoutant  cette musique si subtilement et conceptuellement élaborée , nous restions comme étrangers, comme s’ils les musiciens y construisaient un monde à eux ,dans une sphère  au fonctionnement mystérieux qui nous échappait. Nous avions l’impression de ne pas « entendre « Jean –Louis Matinier » comme si ce son que nous aimons ne nous parvenait ni ne nous touchait cette fois…

Expérience dont  on était impatient de se remettre en retrouvant sa musique à Bourg saint Andéol !
Et dans ce village de belle pierre, de ruelles et de vent du Rhône, c’est l’homme lui-même que nous avons rencontré d’abord . Une bien agréable rencontre , car cet homme discret se révèle remarquablement disponible ,ouvert, et chaleureux.
 Je dois être au fond « people » car je suis très touchée de rencontrer les musiciens que nous admirons ou aimons , et aussi qu’ils nous  connaissent . Peut-être dans ma naïveté, ai-je l’impression que la communication de la musique en sera plus intense, qu’ils jouent un peu pour nous, perdus dans la foule du public en écoute. Dans ma naïveté je me plaît à penser, que,  quoiqu’il en coûte à ma timidité, ils sont peut-être contents que je leur dise combien j’ai aimé, et ce que j’ai aimé… Comme je l’étais quand je faisais pour mon travail des interventions particulièrement  difficiles et redoutées qu’élèves ou stagiaires viennent me dire qu’ils avaient apprécié …
Les rencontres avec Jean Louis Matinier, pour rapides et occasionnelles qu’elles furent, n’étaient  pas insignifiantes, tant s’y esquissèrent de vraies  connivences sur la peinture ou le photo, l’Orangerie et La Grand palais  , la montagne ou la mer de notre pays , l’ importance du lieu où l’on aime partager la musique, des salles banales mais  vouées à l’écoute , des CD où se cristallise un moment d’une œuvre , organisé et mis en page, parfois éclairé d’un texte précieux…
Et puis ce fut le concert , « Duo Inventio », le bien nommé…
« Le concert a lieu dans une salle monumentale du Palais des Evêques, le grenier d'abondance. Impressionnant par ses dimensions, parfait quant à son acoustique. Les deux musiciens sont installés sur une estrade étroite et de faible hauteur…Le son du nyckelharpa est d'abord surprenant, mais tout de suite son accord avec l'accordéon est des plus harmonieux. Une musique venue d'ailleurs. » Michel , autre  bistrot des accordéons


…Avec Marco Ambrosini, et son Nyckelharpa, de belles cordes encore pour l’ accordéon magique de Jean-Louis Matinier.Tantôt d’une légèreté aérienne, tantôt chantant avec ampleur et souplesse, mélodique et , ce qui me frappe dans toutes ses œuvres, remarquablement rythmé...








En écoutant leur duo remarquablement accordé, des impressions  naïves se bousculent dans ma tête : allégresse ,  jazz,  danses italiennes , chants voyageurs des campagnes italiennes à Bach,  allègres ou mélancoliques, mais qui toujours dansent ou swinguent…

https://myspace.com/duoambrosinimatinier/music/song/inventio-4-j.s.bach-47255341-50657279

Et c’est pour moi  le plus beau moment de ces beaux moments de Bourg Saint Andéol…

vendredi 4 avril 2014

Alain Pennec à Bourg Saint Andéol , les jolies surprises du festival …


 Quand Alain Pennec  raconte…les bistrots imaginaires …
Comme je l’ai déjà dit, mes curiosités actuelles de direct  me portent davantage vers les instrumentaux ,  que vers des textes mis en spectacle... Les textes , sauf peut-être la poésie, demeurant pour moi essentiellement de l’ordre d’une lecture intimement silencieuse…
De surcroît, je ne suis pas spécialement attirée par la musique «  traditionnelle », même si  l’entreprise de recréation de ces musiques de pays , m’intéresse parfois quand elle en fait une « new » musique, enracinée dans la tradition culturelle, mais novatrice...
  Et s’il est vrai que nous aimons beaucoup de musiciens d’accordéon diatonique, le grand Marc Perrone dans ses petites chansons urbaines, qui chantent la vie de la banlieue avec des airs d’Italie emportés par le vent jusqu’à la Courneuve...
..François Heim et Bruno le Tron pour des musiques issues de la tradition balkanique mais si fondamentalement  personnelles dans l’expression de la déprime ou l’amour,

...Didier Laloy enlaçant  la belle tonalité de son diato au superbe son du chromatique de Tuur Florizoone 

..et Stéphane Délicq dont on pleure à jamais les mélodies dansantes aussi complexes qu’ harmonieuses…

...il est vrai aussi que l’acidité des certaines musiques « trad » et leur chant répétitif ne nous séduisent guère…

Nous attendions donc Alain Pennec avec une certaine curiosité, d’autant que  son spectacle promettait une  mise en scène spectaculaire, masque et marottes en papier mâché (Ouest France !!!), et du texte raconté…

Ce sont bien sans doute des histoires qui couraient dans le temps  en ce pays breton, des personnages hauts en couleur comme on en rencontre (ou pas !) dans les « cafés de pays » Julie la Rousse, Mado de Madagascar … de ce fantastique populaire qui fait intervenir au détour  de la vie quotidienne un soir de tristesse, de compagnonnage ou d’ivresse, le Diable et ses Diablotins.
Je pense à une auteur de romans policiers dont je raffole, Fred Vargas, et à  l’utilisation poétique et dramatique qu’elle fait dans ses romans de ces récits fantastiques du fonds populaire : « Dans les bois éternels » 
Dans  le cas d’Alain Pennec aussi, ces récits sont en grande partie, si je peux en juger,  le produit d’une  vraie invention personnelle. Un surréalisme bon enfant, mêlé d’humour, de tendresse pour ses personnages créés ou réinventés, recrée  ce pays à la fois réel et imaginaire, un joli monde » d’art naïf »…
Accordéon et flûte relèvent pour moi de ces mêmes filiations de la musique populaire « de pays », des rythmes  de danse aux pas sautillants plus que glissés, et  des mélodies souriantes et  entraînantes en majeur, alternant avec des airs qui chantent en mineur ce chant de l’homme « toujours triste même quand il exprime le bonheur » (Chateaubriand)
 Parfois  issus du collectage d’airs de la tradition, parfois  créés par Alain Pennec tous portent la marque de sa fantaisie  et de sa créativité …

 Comme d’ailleurs le beau son de son  diato, parfois acide, sautillant, rustique  et simple, comme souvent pour « ces airs de Pays » et de danse , parfois plus plein, plus chaud, d’une rondeur  mélodique  et presque déchirante de mélancolie jolie…





Sur la sombre et vaste  scène de la Cascade,  ces 
marottes  en papier mâché« Ouest France », violemment colorées, vivent,  par le récit et la musique de leur créateur cornu, une vie saisissante, poétique et drôle…


On peut l'écouter sur youtube:

http://youtu.be/Cjk9kgxEesc