jeudi 29 octobre 2015

Les" navets" de la télé : délices…!




 Roland Barthes ou Télérama ??
Navets –délices !
J’aime beaucoup Roland Barthes : il a marqué notre génération, il a analysé de manière originale et remarquable des objets que nous aimons, le texte et l’image , et les « mythologies »de notre culture .
C’est Michel qui m’en a souvent déniché et  explicité les finesses…Et parfois j’utilise ces  analyses avec une mauvaise foi malicieuse pour conforter/justifier  certains de mes  choix de vie intellectuelle avec une parfaite mauvaise foi...
C’est le cas d’une analyse qu’il fait dans  « Le plaisir du texte » concernant la relation existant entre la qualité littéraire ou morale d’un texte et la jouissance qu’on en retire en tant que lecteur, : nous avons par exemple grand plaisir à lire certains livres qui vont à l’encontre de nos valeurs , de notre éthique et de notre jugement esthétique.
Et enfoncée ans mes coussins le soir à la télé je me suis rappelé cette remarque, que j’interprète peut-être un peu à ma guise, en me délectant d’un de ces navets délicieux que ma Camile et sa sœur qualifient parfois de Télé-Bouse…en partageant ma délectation !

Pourtant, je le dis, je ne choisis pas mes programmes par simple et paresseuse divagation. Non ! je consulte Télérama, en lis les présentations, et  même, les avis donnés et la petite appréciation qui s’ensuit !
Je sais donc en connaissance de cause que je vais regarder un «  Navet » selon Télérama et même parfois un sacré Navet tout court …. !
Et dans mon fauteuil, au chaud sous mon plaid douillet…je savoure les délices de l’insignifiance des choses…
Et parfois, navet ou pas navet, j’y  trouve beaucoup à savourer :
De beaux paysages, façon France régionale pour FR3, des intrigues pleines de suspense (facile facile, ou lourd lourd !) des personnages généreux ou carrément méchants , de grand sentiments ….
L’important c’est le dosage en fait subtil, entre la tension dramatique soutenue, et l’assurance de ne pas être trahie par une surprise désagréable ,un personnage super sympa qui se révèle traître, un dénouement tragique incongru dans le genre de texte choisi.…
« Lector in fabula » , je m’implique dans l’histoire, et l’implication du lecteur dans l’histoire noue une sorte de contrat tacite qu’induit  le « genre »  de texte, et qui fait qu’on se livre en toute confiance au plaisir du texte ! Ou Pas !…
Plaisir attendu et délicieux qui fait que le temps ne dure pas mais déroule simplement le fil du récit …comme un long fleuve tranquille !
Navet Délice !
 PS :  Un petit top personnel des « délices » :
Première catégorie des séries étrangères au calibrage infaillible : ce qu’il faut de piment pour piquer l’intérêt , ce qu’il faut de garantie d’une heureuse issue de l’histoire pour jouir en toute quiétude de son déroulement, en apprécier les détours et les rebonds : Castle, Mentalist, Sherlock, Bones (un peu plus « gore »,  ce qu’il faut d’humour pour alléger la vérité sordide de la mort infligée,  Murdoch, Miss Fisher , ce qu’il faut d’ellipse pour un rythme entraînant…
Dans la même catégorie, des françaises de moins d’ellipses, mais de sérénité équivalente grâce à des personnages décalés, , Boulevard du Palais ( tranquillité un peu moins garantie) certains non crédités par Télérama, Candice Renoir, Caïn, Chef, Alice Nevers, auxquelles j’ajouterais les polars  façon FR3  aux superbes paysages ,meurtres  et secrets dans nos régions,  à Rouen, ou sur la Dune du Pila ou sur des iles bretonnes , en  Corse, sur les côtes de la Mer du Nord, ambiance feuilleton, amours agitées, secrets, et retrouvailles moliéresques : « Vous ma fiille !!!vous mon père !!! »   Flics et fliquettes aussi nettement typés, que des personnages de Commedia  del Arte...
J’y ajouterais néanmoins  un bémol très français : la propension obstinée des réalisateurs à ne pas se résoudre à faire aboutir le lent cheminement, façon carte du tendre, qui attire l’un vers l’autre les protagonistes policiers,  ou pire encore à faire mourir les héros pour conclure (on se croirait dans les films français des années 60 : noir et blanc, ascenseur pour l’échafaud au bout de la route !!!)
 Bref la tranquillité n’est pas assurée !
Chefs d’œuvre du genre : Disparue, Borderline  et en tête Profilage !!! Et l’on sombre en deuxième catégorie…
Pourquoi ne pas se contenter d’arrêter la série, qu’on pourrait alors revoir des années après, sans être irrémédiablement dérangé par la certitude TRAGIQUE,  que les héros vont mourir puis qu’on a assisté à leur disparition !
L’on pourrait ajouter à la première catégorie, et même hors classe, de petits chefs d’œuvre selon moi :
Parfois certes un peu trop recherchés : Nicolas  L e Floch
Parfois entièrement  délicieux « quoique » ou « parce que » bien écrits, de texte raffiné,  d’acteurs excellents, mais sans prétention apparente…
Les petits Meurtres d’Agatha Christie, façon Pascal Thomas, mais supérieurs en émotion et drôlerie, première version Colucchi et Duléry,et  peut-être mieux encore, finalement, la version du trio Samuel Labarthe, Blandine Bellavoir,  et Elodie Frenck….
Les adaptations de Fred Vargas par Josée Dayan, qui comme dans l’écrit original,  réussissent ce mélange exquis d’angoisse et de suspense, et de confort du déroulement, plus un usage de la langue délicieux, emprunté à  leur auteur…
Le 10 /100 série courte et d’autant plus savoureuse,
Et sans doute bien d’autres dont je ne me souviens pas pour l’instant …ou ne connais pas !

Histoires –Délices
Délices souvent partagés avec les filles (Nadja, Chacha , Camille)…

Délices .. mais pas Navets… !


Au fait qu’y a-t-il à la télé ce soir ?

lundi 19 octobre 2015

Sébastien Farge," Ségurel for ever"

Un  disque qui surprend et attire…

Il  est assez rare en littérature quand je lis « à ma guise » hors d’un cadre universitaire quelconque,  que ce soit la personne de l’auteur ( ou de l’auteure ! )qui me mène à son œuvre. J’ai aimé le Neveu de Rameau avant de connaître Diderot, Les Précieuses ridicules avant Molière , et Alcools avant Apollinaire , et Gigi avant Colette. C’est la découverte de l’œuvre qui me conduit à l’auteur et à d’autres découvertes…Et parfois d’ailleurs  sa biographie m’importe peu…
Mes découvertes musicales  si elles  sont liées parfois à des rencontres-clés de musiciens  déterminants,  aux hasards de la vie,  un Galliano , une Sonia, ou un Bruno ,  c’est la découverte de  leur musique  ,  en  concerts , Cd , voire en youtube  saisissants   qui m’engage à suivre leur son magique et à en renouveler l’écoute encore et encore  … la découverte de la personne, ce qu’on peut pressentir , apprécier, et fugitivement partager de ses qualité humaines et de sa sensibilité artistique,  découle  de cette première découverte... S’ensuit  l’admiration, l’amitié, le plaisir du partage…

Pour Sébastien Farge, j’ai ,nous avons, je crois , suivi le chemin inverse….
Nous avons d’abord  apprécié ses qualités humaines et sa compétence d’organisateur, ses choix esthétiques en affinité avec les nôtres ,  sa présence aussi  discrète que pertinente,  la justesse de son langage dans les présentations des artistes invités  , le timbre de sa voix amicale et chaleureuse ,la juste mesure du temps des mots pour dire de manière à la fois objective et personnelle leur musique, LA musique , l’Accordéon…
Et nous est venue la curiosité de sa musique !
Il faut bien l’avouer  la séduction des bruyères corréziennes de Jean Ségurel  nous était assez étrangère et nous avions peu écouté ses disque précédents que Michel, curieux de tout ou presque en la matière ,  nous avait achetés…bien sûr… !

Nous avons donc acheté son dernier CD : « Ségurel for ever »
Si Ségurel nous était un peu étranger , le titre lui, nous parlait- comme un titre pouvant se référer à  Richard Galliano- de fidélité ,  et de volonté de faire vivre à jamais ce qu’on aime et qui nous a formé…
Et ce disque , nous l’avons écouté encore et encore car il ne se livre pas à la première écoute …c’est bien pour Sébastien Farge un disque de fidélités multiples : à Jean Ségurel, au son de l’accordéon duquel il a grandi, à sa terre Corrézienne dont ce son « hante l’inconscient », à son propre Accordéon, à sa culture et son projet de Musicien, qui connaît d’autres musiques, jazz et musiques improvisées, et rêve d’échappées belles où l’on est libre d’être soi  -même !
S’ensuit un disque un peu déroutant dont l’écoute n’est pas facile  parce que s’y mêlent- avec bonheur-toutes ces motivations…
Ses quelques phrases de présentation dans le livret suggèrent qu’il débute par du Surel « revisité »,  puis s’oriente peu à peu vers des compositions personnelles…
Pour des amateurs peu avertis de Surel que nous sommes, l’écheveau des impressions me paraît plus complexe.
Il y a d’emblée pour moi une échappée personnelle  vers le Rythme, la tentation du Swing, à nous dédié..For you : « Swing for you » Création personnelle où la mélodie , fort belle , garde des accents de bal et de mélancolie…
Et tout aussi personnelle, et aussi  dédiée « For you » ,une «  Waltz », un essai de « valse musette » : un prélude grave au tempo lent, développé  par le beau piano  de Murat Ozturk, que  soudain bouscule  l’entrée de la valse allègre , façon musette , et même new musette : l’accordéon en assure avec virtuosité la belle mélodie et le rythme.
Puis « Retour aux champs », mélodie en chant mineur , qu’assure au premier plan de  l’accordéon , plaintif , comme accordé musette . Ce beau morceau, thème de Ségurel, connote pour moi,  la chanson rurale, très mélodique , mais infiniment mélancolique  d’un beau pays sauvage et boisé , et me rappelle « que dans tout pays le chant naturel de l’homme est triste , lors même qu’il exprime le bonheur…. » Chateaubriand !
Mêmes connotations dansantes et sentimentalement  en mode mineur (le piano y insiste)dans les morceaux suivants de Ségurel …".Bol  d’or," et "Marie des Bruyères"
Et je ne résiste pas au plaisir de citer le thème suivant, déroulé par Chateaubriand, « notre cœur est un instrument incomplet , une lyre où il manque des cordes et où nous sommes forcés  de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux soupirs »
Je ne souscris évidemment pas à cette remarque de notre Chateaubriand, que j’ai toujours trouvée un peu grandiloquente et romantico- pessimiste !
Et  d’ailleurs , un  démenti  y est tout de suite donné par le rythme endiablé de l’interprétation d’ « Une espagnole à Saint  Flour » et du final « Les Bruyères Corréziennes ».
Mais …
…Malgré la « transgression du rythme »swing, malgré l’apport de mélodies personnelles très remarquables par leur style…
 Le « Nocturne » de Sébastien Farge  , qui est le morceau du CD que je préfère, est  très beau , le piano et l’accordéon y dialoguent et méditent sur une batterie omniprésente en un chant grave et harmonieux…
….Malgré le non moins remarquable «  Aria » de Murat Ozturk…
….La tonalité d’ensemble de cette musique  reste la même ,  sans doute fidèle à Jean Ségurel. Qu’elle
 chante sur le mode du swing, de la valse , ou de l’aria, je ressens la tonalité que connotent presque tous les titres, résolument ancrés dans son  terroir , comme celle d’une mélodieuse  nostalgie champêtre…

Un hommage à une terre, un musicien, un instrument … un bel hommage de Sébastien Farge, à la fois personnel et  fidèle,  à la musique née des liens étroits entre Jean Ségurel , cette terre, et l’accordéon…