lundi 19 octobre 2015

Sébastien Farge," Ségurel for ever"

Un  disque qui surprend et attire…

Il  est assez rare en littérature quand je lis « à ma guise » hors d’un cadre universitaire quelconque,  que ce soit la personne de l’auteur ( ou de l’auteure ! )qui me mène à son œuvre. J’ai aimé le Neveu de Rameau avant de connaître Diderot, Les Précieuses ridicules avant Molière , et Alcools avant Apollinaire , et Gigi avant Colette. C’est la découverte de l’œuvre qui me conduit à l’auteur et à d’autres découvertes…Et parfois d’ailleurs  sa biographie m’importe peu…
Mes découvertes musicales  si elles  sont liées parfois à des rencontres-clés de musiciens  déterminants,  aux hasards de la vie,  un Galliano , une Sonia, ou un Bruno ,  c’est la découverte de  leur musique  ,  en  concerts , Cd , voire en youtube  saisissants   qui m’engage à suivre leur son magique et à en renouveler l’écoute encore et encore  … la découverte de la personne, ce qu’on peut pressentir , apprécier, et fugitivement partager de ses qualité humaines et de sa sensibilité artistique,  découle  de cette première découverte... S’ensuit  l’admiration, l’amitié, le plaisir du partage…

Pour Sébastien Farge, j’ai ,nous avons, je crois , suivi le chemin inverse….
Nous avons d’abord  apprécié ses qualités humaines et sa compétence d’organisateur, ses choix esthétiques en affinité avec les nôtres ,  sa présence aussi  discrète que pertinente,  la justesse de son langage dans les présentations des artistes invités  , le timbre de sa voix amicale et chaleureuse ,la juste mesure du temps des mots pour dire de manière à la fois objective et personnelle leur musique, LA musique , l’Accordéon…
Et nous est venue la curiosité de sa musique !
Il faut bien l’avouer  la séduction des bruyères corréziennes de Jean Ségurel  nous était assez étrangère et nous avions peu écouté ses disque précédents que Michel, curieux de tout ou presque en la matière ,  nous avait achetés…bien sûr… !

Nous avons donc acheté son dernier CD : « Ségurel for ever »
Si Ségurel nous était un peu étranger , le titre lui, nous parlait- comme un titre pouvant se référer à  Richard Galliano- de fidélité ,  et de volonté de faire vivre à jamais ce qu’on aime et qui nous a formé…
Et ce disque , nous l’avons écouté encore et encore car il ne se livre pas à la première écoute …c’est bien pour Sébastien Farge un disque de fidélités multiples : à Jean Ségurel, au son de l’accordéon duquel il a grandi, à sa terre Corrézienne dont ce son « hante l’inconscient », à son propre Accordéon, à sa culture et son projet de Musicien, qui connaît d’autres musiques, jazz et musiques improvisées, et rêve d’échappées belles où l’on est libre d’être soi  -même !
S’ensuit un disque un peu déroutant dont l’écoute n’est pas facile  parce que s’y mêlent- avec bonheur-toutes ces motivations…
Ses quelques phrases de présentation dans le livret suggèrent qu’il débute par du Surel « revisité »,  puis s’oriente peu à peu vers des compositions personnelles…
Pour des amateurs peu avertis de Surel que nous sommes, l’écheveau des impressions me paraît plus complexe.
Il y a d’emblée pour moi une échappée personnelle  vers le Rythme, la tentation du Swing, à nous dédié..For you : « Swing for you » Création personnelle où la mélodie , fort belle , garde des accents de bal et de mélancolie…
Et tout aussi personnelle, et aussi  dédiée « For you » ,une «  Waltz », un essai de « valse musette » : un prélude grave au tempo lent, développé  par le beau piano  de Murat Ozturk, que  soudain bouscule  l’entrée de la valse allègre , façon musette , et même new musette : l’accordéon en assure avec virtuosité la belle mélodie et le rythme.
Puis « Retour aux champs », mélodie en chant mineur , qu’assure au premier plan de  l’accordéon , plaintif , comme accordé musette . Ce beau morceau, thème de Ségurel, connote pour moi,  la chanson rurale, très mélodique , mais infiniment mélancolique  d’un beau pays sauvage et boisé , et me rappelle « que dans tout pays le chant naturel de l’homme est triste , lors même qu’il exprime le bonheur…. » Chateaubriand !
Mêmes connotations dansantes et sentimentalement  en mode mineur (le piano y insiste)dans les morceaux suivants de Ségurel …".Bol  d’or," et "Marie des Bruyères"
Et je ne résiste pas au plaisir de citer le thème suivant, déroulé par Chateaubriand, « notre cœur est un instrument incomplet , une lyre où il manque des cordes et où nous sommes forcés  de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux soupirs »
Je ne souscris évidemment pas à cette remarque de notre Chateaubriand, que j’ai toujours trouvée un peu grandiloquente et romantico- pessimiste !
Et  d’ailleurs , un  démenti  y est tout de suite donné par le rythme endiablé de l’interprétation d’ « Une espagnole à Saint  Flour » et du final « Les Bruyères Corréziennes ».
Mais …
…Malgré la « transgression du rythme »swing, malgré l’apport de mélodies personnelles très remarquables par leur style…
 Le « Nocturne » de Sébastien Farge  , qui est le morceau du CD que je préfère, est  très beau , le piano et l’accordéon y dialoguent et méditent sur une batterie omniprésente en un chant grave et harmonieux…
….Malgré le non moins remarquable «  Aria » de Murat Ozturk…
….La tonalité d’ensemble de cette musique  reste la même ,  sans doute fidèle à Jean Ségurel. Qu’elle
 chante sur le mode du swing, de la valse , ou de l’aria, je ressens la tonalité que connotent presque tous les titres, résolument ancrés dans son  terroir , comme celle d’une mélodieuse  nostalgie champêtre…

Un hommage à une terre, un musicien, un instrument … un bel hommage de Sébastien Farge, à la fois personnel et  fidèle,  à la musique née des liens étroits entre Jean Ségurel , cette terre, et l’accordéon…





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