Un disque qui surprend et attire…
Il est assez rare en littérature quand je lis « à
ma guise » hors d’un cadre universitaire quelconque, que ce soit la personne de l’auteur ( ou de
l’auteure ! )qui me mène à son œuvre. J’ai aimé le Neveu de Rameau avant
de connaître Diderot, Les Précieuses ridicules avant Molière , et Alcools avant Apollinaire , et Gigi avant Colette. C’est la découverte de l’œuvre qui me
conduit à l’auteur et à d’autres découvertes…Et parfois d’ailleurs sa biographie m’importe peu…
Mes découvertes musicales si elles sont liées parfois à des rencontres-clés de musiciens
déterminants, aux hasards de la vie, un Galliano , une Sonia, ou un Bruno , c’est la découverte de leur musique , en concerts , Cd , voire en youtube saisissants qui m’engage
à suivre leur son magique et à en renouveler l’écoute encore et encore … la découverte de la personne, ce qu’on peut
pressentir , apprécier, et fugitivement partager de ses qualité humaines et de
sa sensibilité artistique, découle de cette première découverte... S’ensuit l’admiration, l’amitié, le plaisir du partage…
Pour Sébastien Farge, j’ai ,nous
avons, je crois , suivi le chemin inverse….
Nous avons d’abord apprécié ses qualités humaines et sa
compétence d’organisateur, ses choix esthétiques en affinité avec les nôtres , sa présence aussi discrète que pertinente, la justesse de son langage dans les
présentations des artistes invités , le timbre
de sa voix amicale et chaleureuse ,la juste mesure du temps des mots pour dire
de manière à la fois objective et personnelle leur musique, LA musique , l’Accordéon…
Et nous est venue la curiosité de
sa musique !
Il faut bien l’avouer la séduction des bruyères corréziennes de Jean
Ségurel nous était assez étrangère et
nous avions peu écouté ses disque précédents que Michel, curieux de tout ou
presque en la matière , nous avait
achetés…bien sûr… !
Nous avons donc acheté son
dernier CD : « Ségurel for ever »
Si Ségurel nous était un peu
étranger , le titre lui, nous parlait- comme un titre pouvant se référer à Richard Galliano- de fidélité , et de volonté de faire vivre à jamais ce
qu’on aime et qui nous a formé…
Et ce disque , nous l’avons
écouté encore et encore car il ne se livre pas à la première écoute …c’est bien
pour Sébastien Farge un disque de fidélités multiples : à Jean Ségurel, au
son de l’accordéon duquel il a grandi, à sa terre Corrézienne dont ce son
« hante l’inconscient », à son propre Accordéon, à sa culture et son
projet de Musicien, qui connaît d’autres musiques, jazz et musiques
improvisées, et rêve d’échappées belles où l’on est libre d’être soi -même !
S’ensuit un disque un peu déroutant
dont l’écoute n’est pas facile parce que
s’y mêlent- avec bonheur-toutes ces motivations…
Ses quelques phrases de
présentation dans le livret suggèrent qu’il débute par du Surel
« revisité », puis s’oriente
peu à peu vers des compositions personnelles…
Pour des amateurs peu avertis de
Surel que nous sommes, l’écheveau des impressions me paraît plus complexe.
Il y a d’emblée pour moi une
échappée personnelle vers le Rythme, la
tentation du Swing, à nous dédié..For you : « Swing for
you » Création personnelle où la mélodie , fort belle , garde des accents
de bal et de mélancolie…
Et tout aussi personnelle, et
aussi dédiée « For
you » ,une « Waltz », un essai de « valse
musette » : un prélude grave au tempo lent, développé par le beau piano de Murat Ozturk, que soudain bouscule l’entrée de la valse allègre , façon musette ,
et même new musette : l’accordéon en assure avec virtuosité la belle
mélodie et le rythme.
Puis « Retour aux
champs », mélodie en chant mineur , qu’assure au premier plan de l’accordéon , plaintif , comme accordé
musette . Ce beau morceau, thème de Ségurel, connote pour moi,
la chanson rurale, très mélodique , mais infiniment mélancolique d’un beau pays sauvage et boisé , et me
rappelle « que dans tout pays le
chant naturel de l’homme est triste , lors même qu’il exprime le bonheur…. »
Chateaubriand !
Mêmes connotations dansantes et
sentimentalement en mode mineur (le
piano y insiste)dans les morceaux suivants de Ségurel …".Bol d’or," et "Marie des Bruyères"
Et je ne résiste pas au plaisir
de citer le thème suivant, déroulé par Chateaubriand, « notre cœur est un instrument incomplet , une
lyre où il manque des cordes et où nous sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton
consacré aux soupirs »
Je ne souscris évidemment pas à
cette remarque de notre Chateaubriand, que j’ai toujours trouvée un peu grandiloquente et romantico- pessimiste !
Et d’ailleurs , un démenti y est tout de suite donné par le rythme
endiablé de l’interprétation d’ « Une espagnole à Saint Flour » et du final « Les Bruyères Corréziennes ».
Mais …
…Malgré la « transgression
du rythme »swing, malgré l’apport de mélodies personnelles très
remarquables par leur style…
Le « Nocturne » de Sébastien Farge , qui est le morceau du CD que je préfère, est très beau , le piano et l’accordéon y dialoguent
et méditent sur une batterie omniprésente en un chant grave et harmonieux…
….Malgré le non moins remarquable «
Aria » de Murat Ozturk…
….La tonalité d’ensemble de cette
musique reste la même , sans doute fidèle à Jean Ségurel. Qu’elle
chante sur le mode du swing, de la valse , ou
de l’aria, je ressens la tonalité que connotent presque tous les titres,
résolument ancrés dans son terroir ,
comme celle d’une mélodieuse nostalgie
champêtre…
Un hommage à une terre, un musicien,
un instrument … un bel hommage de Sébastien Farge, à la fois personnel et fidèle, à la musique née des liens étroits entre Jean
Ségurel , cette terre, et l’accordéon…
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